Depuis des années déjà - depuis 1803 précisément - de curieuses machines fonctionnant grâce à la force de la vapeur faisaient beaucoup parler d'elles. Pensez donc, elles roulaient en remorquant un char à bancs à la vitesse de huit kilomètres à l'heure ... Tout au plus une attraction surprenante pour l'une d'elles qui, sur son "locodrome", faisait l'amusement des Londoniens assez riches pour se payer un tour au prix de dix shillings. L'échec financier mit fin à l'expérience mais l'idée du chemin de fer était lancée. Elle allait germer, s'amplifier et, en 1813, la première locomotive "sérieuse" faisait son entrée dans le monde sous le nom de "Puffing Billy", portant en elle des perspectives d'avenir inouïes.
Dès lors, des projets s'échafaudent dont beaucoup seront d'ailleurs sans lendemain, tel celui de l'ingénieur britannique Thomas Gray qui proposait en 1821 une liaison ferroviaire entre Charleroi et Bruxelles posée ... dans le lit du canal qui venait d'être creusé. Ou celui d'un industriel liégeois, John Cockerill, de créer une ligne ferrée reliant Anvers à la Meuse.
Un premier pas concret est franchi en 1831 lorsque les ingénieurs De Ridder et Simons sont chargés par le gouvernement de l'étude d'une voie ferrée entre Anvers et Cologne via Liège. Un an plus tard, au retour d'un stage en Grande-Bretagne où les Stephenson ont déjà des réalisations à leur actif, ils déposent un rapport qui est à la fois étude technique et plaidoyer en faveur "d'un chemin à ornières de fer entre Anvers, Bruxelles, Liège et Verviers", qui devrait être le premier maillon d'une liaison d'Anvers à Cologne. Le projet soumis au Parlement prévoyait déjà la construction d'une série de lignes qui, partant de Malines, se dirigeaient vers les principales villes, constituant l'ébauche d'un réseau à l'échelle nationale. Le début d'application de ce projet allait concerner une ligne partant de Malines et se dirigeant vers Anvers et son port, d'une part ; vers Verviers par Louvain, Tirlemont et Liège, avec un embranchement vers Bruxelles, d'autre part. Il sera ratifié définitivement le 30 avril 1834 au terme d'un débat parlementaire houleux au cours duquel les adversaires du projet avaient fait preuve de beaucoup de pugnacité en dénonçant "ces chemins de fer qui en supprimant des emplois laisseraient des hommes inoccupés livrés à la corruptrice influence de l'oisiveté et de la misère réunies".
L'Etat est chargé de la création de cette première ligne entre Bruxelles et Malines. Les travaux, qui ont débuté en juin 1834, sont menés rondement si bien que moins d'un an plus tard, le 5 mai 1835, les trains inauguraux quittent la gare de Bruxelles Allée Verte à destination de Malines : trois convois de chars à bancs, de diligences et de berlines tirés par des locomotives, alors appelées remorqueurs, qui ont nom "La Flèche", "Stephenson" et l'Eléphant", fabriquées dans les ateliers Stephenson de Newcastle.
Journée mémorable que celle-là qui, dans une ambiance extraordinaire créée par les flonflons des orchestres et le déploiement de centaines d'oriflammes, voit s'ébranler les premiers trains à vapeur du continent.
La fête terminée, les travaux se poursuivent et la ligne est prolongée vers Anvers. Sur cet axe viendront se greffer d'autres lignes. Etat et compagnies privées auront bientôt tissé dans le pays un réseau qui deviendra le plus dense du monde, et dont le rôle sera prédominant à l'aube de la révolution industrielle.
Au fil des ans, les trains deviendront de plus en plus rapides et confortables, tandis que le perfectionnement incessant des installations contribuera à la régularité et à la sécurité du trafic.
Toute cette marche au progrès s'illustre par cette extraordinaire différence entre ce train cahotant de 1835 qui stupéfiait le monde en roulant à quarante kilomètres à l'heure et les convois d'aujourd'hui emportant à cent quarante des centaines de voyageurs dans des conditions optimales de confort et de sécurité.
Cette marche de cent cinquante ans est faite du labeur et de l'ingéniosité de plusieurs générations de cheminots. Elle est, hélas ! aussi marquée de sang et de larmes. A l'époque héroïque surtout, le métier de cheminot présentait infiniment plus de risques qu'aujourd'hui et le chemin de fer a son martyrologe que les guerres vinrent encore alourdir. Beaucoup de travailleurs du rail apportèrent le tribut de leur vie à la défense de la liberté.
Ces guerres laissèrent aussi le réseau et le matériel dans un terrible état de délabrement, par la conjugaison du manque d'entretien et des destructions, et c'est à leur lendemain que les cheminots belges donnèrent toute la mesure de leur enthousiasme. En un temps record, les trains resilonnèrent le réseau et le chemin de fer apporta une inestimable contribution aux opérations militaires puis, les armes s'étant tues, au prodigieux redressement économique et industriel de la Belgique.
C'est dire s'il faut voir au travers de ces pages retraçant un siècle et demi de progrès, un hommage fervent à cette multitude de cheminots qui, patiemment, laborieusement ont fait des chemins de fer belges une entreprise moderne et performante au service du pays et de ceux qui y vivent ...
Le 20 décembre 1966, tracté par la locomotive 29013, un train quittait la gare d'Ath à destination de Denderleeuw ... Un train historique que celui-là : il mettait le point final à ce qui fut l'épopée de la traction vapeur en Belgique. Une histoire fabuleuse et qui, même si elle s'est achevée bien avant ce cent-cinquantième anniversaire, doit avoir sa place dans cet ouvrage.
La "vapeur", ce fut en effet une aventure aux accents héroïques et longtemps encore elle gardera son pouvoir de fascination. N'a-t-elle pas inspiré romanciers, poètes, musiciens, peintres ... ?
Si elle est née en Grande-Bretagne, c'est la Belgique et le continent européen qui vont lui ouvrir un champ d'expérience bien plus vaste.
Les progrès techniques se succédant à vive allure, il ne faudra pas attendre bien longtemps pour que les locomotives atteignent un haut niveau de performances. Grâce à des techniciens inventifs - l'histoire ferroviaire retiendra toujours les noms de Walschaerts, Belpaire, Flamme - les réalisations belges allaient connaître une réputation mondiale, pour le plus grand profit de notre industrie.
Au début, les locomotives se répartissaient en deux types de base : celles a un essieu moteur avec grandes roues pour les "voyageurs", celles à deux essieux moteur avec roues plus petites pour les "marchandises". Après la mise en circulation de ces engins primitifs, les études eurent pour objectif d'accroître les performances des "remorqueurs" en les dotant de cylindres plus gros, en augmentant la puissance des chaudières et en multipliant le nombre d'essieux. Mais ces innovations se voyaient limitées par un seuil : celui de la distribution de la vapeur dans les cylindres. Ce seuil fut franchi lorsqu’un mécanicien génial, Egide Walschaerts, inventa en 1844 la célèbre distribution à coulisses qui allait être adoptée dans le monde entier et dont étaient encore dotées les locomotives de la dernière génération. Pour la petite histoire, notons que si Walschaerts connut la célébrité mondiale il resta, faute de diplôme, confiné dans les fonctions de chef d'atelier.
L'ingénieur Alfred-Jules Belpaire qui, lui, devint directeur général des chemins de fer, imagina en 1860 un foyer plat nettement plus économique que le foyer profond et qui permit de substituer aux onéreux combustibles qu'étaient le coke et le charbon de haute qualité un charbon tout-venant. Son procédé, lui aussi, subsista jusqu'aux derniers modèles de locomotives.
Ces perfectionnements aboutirent à la construction, dès 1864, d'un "type 1" à deux essieux moteurs avec roues de deux mètres de diamètre et dont la puissance de 560 ch permettait d'atteindre le chiffre, mythique à cette époque, de cent kilomètres à 1’heure.
Un autre grand pas vers l'amélioration du rendement des locomotives fut franchi en 1905 lorsqu'un autre ingénieur, Jean-Baptiste Flamme, fit adopter la surchauffe de la vapeur. Dès lors, tous les éléments étaient réunis pour produire des engins plus puissants et plus rapides, et la barre des 100 km/h que pouvaient atteindre certaines locomotives fut franchie.
En 1910 déjà apparaissait sur le réseau belge une locomotive à quatre cylindres conçue par Flamme et qui allait inspirer tous les constructeurs du monde, qui roula jusqu'aux derniers temps de la vapeur et dont les performances n'étaient pas dépassées de façon significative cinquante ans plus tard. Locomotive ô combien caractéristique que cette légendaire "type 10", avec sa courte chaudière, son châssis allongé qui ménageait au-dessus du bogie une vaste plate-forme.
Cette locomotive, si typiquement belge, subira bien des transformations qui amélioreront ses performances. Sa puissance ayant été finalement portée à 2.700 ch, elle remorquait des express de 500 tonnes à 60 km/h sur les longues rampes de 16 pour mille du Luxembourg. Sur la ligne d'Ostende, ce n'était qu'un jeu pour elle de tracter à 120 km/h des convois de 600 tonnes. Véritables vedettes du réseau belge, elles restèrent en service jusqu'en 1957, et l'une d'elle prolongea même sa carrière jusqu'en 1959. Un demi-siècle de panache ...
C'est une carrière parallèle que connut une autre locomotive conçue également par Flamme dès 1909, la "type 36", engin trapu qui allait éliminer la traction multiple des trains de marchandises sur la ligne du Luxembourg. Construite à cent trente-six exemplaires, elle atteignait à l'époque de sa conception, tout comme la "type 10", le record européen de puissance et de poids. Véritable mastodonte monté sur cinq essieux moteurs, elle pouvait tirer en palier des trains de marchandises de 2.500 tonnes et, en service normal, elle parvenait à hisser au sommet des rampes ardennaises 600 tonnes à 36 km/h. Lors d'essais, ces performances avaient été dépassées.
Ces engins dont la forme adaptée à la fonction évoquait irrésistiblement force et vitesse avaient définitivement rompu avec les générations de locomotives du siècle précédent qui n'étaient même pas pourvues d'abri pour le personnel ... afin de ne pas gêner la vue du conducteur qui revêtait pour se protéger des intempéries un lourd pardessus de toile cirée.
En 1934, la S.N.C.B. planta un nouveau jalon dans l'histoire de la vapeur avec la Pacific type 1. La nouveauté ne se limitait pas au carénage. La surchauffe avait été portée à 400 degrés et la pression à 18 kilos (pour respectivement 360 degrés et 14 kilos pour la "type 10"). Cette nouvelle locomotive allait, au cours des essais, affirmer sa supériorité : avec un train de 600 tonnes elle reliera Ostende à Bruxelles-Nord avec arrêt à Gand en 75 minutes. Même temps pour Bruxelles-Nord -Liège, et elle mettra Arlon à trois heures de Bruxelles avec un train de 500 tonnes et quatre arrêts.
Avantage non négligeable : l'économie de combustible est de 20 % par rapport à la "type 10" !
Comment mieux illustrer le chemin parcouru en un siècle exactement que par ces chiffres comparatifs entre "Le Belge" de 1835 et la "type 1" de 1934 :
Le Belge | Type 1 | |
Surface de grille | 0,86 m² | 5 m² |
Surface de chauffe | 33,59 m² | 234 m² |
Surface de surchauffe | 0 | 111 m² |
Capacité du tender | 2,50 m³ | 38 m³ |
Poids en ordre de marche avec tender | 11,75 t | 219 t |
Puissance | 40 ch | 3.400 ch |
Vitesse maximum | 60 km/h | 140 km/h |
Alors que des trains électriques roulent déjà entre Bruxelles et Anvers, les "vaporistes" belges ne désarment pas et créent la "type 12" si caractéristique par son carénage déviateur. Destinée en principe à la remorque des "rapides balnéaires légers", sa vitesse de service est limitée à 140 km/h, ce qui lui permet de relier Bruxelles à Ostende en une heure. Cette "type 12", la toute dernière locomotive de conception et de construction belges couronnera l'histoire de la vapeur en conquérant le "ruban bleu" avec une pointe de vitesse de 165 km/h en tête d'une rame de 200 tonnes, le 12 juin 1939.
Au lendemain de la guerre, le parc de locomotives était décimé et il importait de le reconstituer dans le plus bref délai. La S.N.C.B. passa donc commande aux Etats-Unis et au Canada de trois cents locomotives qui seront désignées "type 29" et qui jusqu'à fin 1966 seront présentes sur tout le réseau, remorquant indifféremment trains de marchandises, directs ou omnibus, l'une d'elle se payant même la coquetterie de parcourir 625.000 km sans grand entretien.
Et c'est une de ces "types 29" qui en 1966 tourna l'ultime page de l'histoire de la vapeur en Belgique. Désormais, diesel et électricité auront, seuls, droit de cité ...
Cinq mai 1935 ... Exactement un siècle après l'inauguration de la première ligne du continent, Bruxelles - Malines, des automotrices électriques étrennent la caténaire tirée entre Bruxelles et Anvers. Cet événement, considérable pour l'époque, marque pour le chemin de fer l'entrée dans une ère nouvelle.
Chacun est déjà conscient que l'avenir ferroviaire sera électrique. Une nouvelle marche au progrès s'ébauche. Cinquante ans plus tard, elle continue, même si de perfectionnements en innovations, on en est arrivé à l'élaboration d'engins alliant, grâce au recours à des technologies de pointe, puissance, vitesse et fiabilité.
En 1935, l'alimentation des trains en courant alternatif à fréquence industrielle n’était encore qu’une vue de l'esprit et seul le courant continu s'imposait. Plusieurs réseaux avaient déjà adopté le 1.500 volts, avec comme inconvénient la multiplication des sous-stations d'alimentation. L'apparition, assez récente, des redresseurs à vapeur de mercure allait permettre de doubler la tension dans les câbles d'alimentation et la caténaire. La S.N.C.B. put donc opter pour les 3.000 volts dont les avantages étaient considérables par rapport aux 1.500 volts : sous-stations plus espacées, caténaires et supports plus légers, donc installations moins coûteuses pour une capacité sensiblement plus élevée.
C'est donc exclusivement sous cette tension de 3.000 volts en continu que la S.N.C.B. développera l'électrification de son réseau. Le maillage serré de celui-ci, une exploitation interrégionale fortement intégrée, la relative exiguïté du territoire excluaient une solution à la française : garder le continu sur les tronçons ou il existait et recourir à l'alternatif dès que son utilisation fut possible sur les lignes à électrifier nouvellement.
On doit bien convenir aujourd'hui que la fidélité - irréversible - aux 3.000 volts continu s'avère encore un bon choix, compte tenu des possibilités des installations et technologies actuelles.
Les premières études d'électrification avaient été entreprises en 1913 déjà et visaient les plans inclinés de Liège. Elles furent bientôt abandonnées comme le furent celles engagées au lendemain de la première guerre mondiale en vue de la mise sous caténaires de la ligne Bruxelles - Anvers, qui ne devaient être reprises qu'en 1933.
Les travaux furent alors menés dans un temps record et deux ans plus tard cette première ligne électrifiée du pays pouvait être inaugurée.
La réussite technique et commerciale de cette réalisation incita la S.N.C.B. à engager un large plan d'électrification, que la guerre allait retarder. Au lendemain du conflit, on créa une "Commission nationale pour l'électrification des chemins de fer belges", dont les projets devaient concerner 30 pour cent du réseau.
L'électrification ne visait pas uniquement à substituer des locomotives électriques à celles à vapeur, mais à réformer fondamentalement la structure même du trafic en introduisant des méthodes d'exploitation irréalisables en vapeur.
Les projets trouvaient en outre leur justification dans la nécessité de rajeunir le parc de matériel roulant.
Les avantages de l'électrification étaient multiples et les arguments en sa faveur n'ont fait que se renforcer depuis : énergie de traction produite par des centrales belges à partir de sources diversifiées ce qui entraîne une plus grande indépendance énergétique vis-à-vis de l'étranger, élimination pour le personnel de besognes pénibles et salissantes, commandes importantes pour l'industrie nationale, économie sur les frais d'exploitation ...
Le choix des lignes à électrifier, compte tenu de la lourdeur des investissements, se porta alors essentiellement sur les axes à fort trafic. Au fil des années, en raison de l'apparition de nouveaux paramètres économiques et sociaux, cette doctrine a évolué et la décision n'a plus été liée comme autrefois à la seule densité du trafic, mais également à la prise en compte de problèmes énergétiques différents comme aussi de l'aspiration de plus en plus exigeante à une meilleure qualité de vie. Et à cet égard, le chemin de fer électrique s'est imposé comme étant le moyen de transport perturbant le moins l'environnement.
L'évolution technique a permis d'accroître dans des proportions considérables les performances des engins moteurs, grâce notamment au recours à l'électronique de puissance à bord des locomotives et automotrices, ce qui leur permet techniquement d'atteindre des vitesses de plus en plus élevées, avec de lourdes charges.
L'électrification a, d'autre part, entraîné une amélioration appréciable du confort des voyageurs, les voitures ayant pu être dotées soit de la climatisation, soit de systèmes à air puisé alliant ventilation et chauffage.
Sur 3.920 kilomètres de lignes exploitées, environ 1.800 km étaient électrifiés à l'aube du 150e anniversaire et des projets étaient soit en cours de réalisation, soit à l'étude, mais la crise économique et les restrictions budgétaires qu'elle impose a toutefois exigé leur étalement.
La réalisation complète de ces plans d'électrification, de même que la modernisation du matériel roulant et l'introduction de systèmes informatiques de gestion du trafic qui lui sont associées achèveront de faire des chemins de fer belges le moyen de transport parfaitement capable de relever le défi de l'avenir.
C'est donc en 1935 que l'on inaugura l'électrification de la ligne rapide Bruxelles - Anvers, réservée exclusivement aux services voyageurs et dont l'exploitation allait être assurée par douze automotrices quadruples, composées de deux motrices encadrant deux remorques, développant par motrice une puissance de 1.000 ch (740 kw) et dont la vitesse plafonnait à 120 km/h, ce qui était relativement élevé pour l'époque.
La solution adoptée pour ce matériel ne manquait pas d'originalité : une moitié d'une même automotrice était construite par les Ateliers de Construction Electriques de Charleroi (A.C.E.C.) ; l'autre par la Société d'Electricité et de Mécanique de Gand (S.E.M.), ces constructeurs ayant adopté pour la partie les concernant des solutions particulières et notamment des systèmes de démarrage différents.
Devant le succès remporté par ce matériel qui mettait Anvers à une trentaine de minutes de la capitale, la S.N.C.B. fit l'acquisition en 1939 de huit autres automotrices destinées au service omnibus. Si la conception de la partie électrique différait peu de celle de la série précédente, l'automotrice elle-même n'avait rien de commun puisqu'elle était double et non plus quadruple. Deux motrices accouplées étaient propulsées par un essieu moteur dans chacun des quatre bogies.
Toutes ces automotrices étaient accouplables entre elles et grâce à leur robuste constitution elles ne furent retirées du service qu'au cours des années 1959 à 1964, après avoir parcouru ensemble plus de cinquante millions de kilomètres. Huit d'entre elles prolongeront même leur carrière sous les couleurs de la Régie des Postes.
La guerre allait postposer les projets d'électrification et du même coup la commande de matériel. Le conflit terminé, on envisagea la construction de nouvelles automotrices, engins sur lesquels la S.N.C.B. va baser une large partie de ses services voyageurs. Le réseau belge, en effet, est sans doute celui qui, le plus, a fait de l'automotrice l'instrument par excellence des relations interrégionales grâce a ses avantages : réversibilité, ce qui supprime les manœuvres aux gares terminales ; maintien de l'horaire et des accélérations quelle que soit la composition du train ; possibilité de scinder la rame en cours de route, permettant ainsi de bien adapter l'offre aux besoins de la clientèle et lui éviter des changements de train ...
1946 verra la naissance d'un prototype avec système de démarrage par arbre à cames mû par un servo-moteur électrique, bien connu chez nous sous le sigle J.H. (Jeumont-Heidman). Cette technique sera adoptée sur presque toutes les automotrices doubles construites à partir de 1950, à l'exception de cinq de conception italienne, actuellement reconverties au J.H.
La vitesse des vingt-cinq automotrices de 1950, d'abord limitée à 105 km/h pour donner de fortes accélérations aux trains omnibus auxquels elles étaient destinées, sera bientôt portée à 130 km/h par remplacement des engrenages, afin de les rendre compatibles avec les séries suivantes.
Puis la S.N.C.B. recherchera pour une commande ultérieure un allégement de la tare au profit d'un moindre coût de production mais l'expérience sera peu concluante sur le plan du confort et sera abandonnée.
Entretemps, la vitesse de toutes les automotrices en service aura été portée à 130 km/h, et celles livrées à partir de 1967 seront conçues pour le 140 km/h, vitesse que trente-huit automotrices commandées en 1955 et destinées à la ligne Bruxelles - Ostende pouvaient déjà atteindre.
Il faudra attendre 1970 pour que soit pris un tournant technologique décisif, avec l'abandon du traditionnel équipement de démarrage à rhéostat au profit du hacheur à thyristors permettant un accroissement des performances, une économie d'énergie et des accélérations plus douces.
Autre tournant, mais cette fois dans la conception générale, avec l'apparition de quarante-quatre automotrices quadruples livrées de 1975 à 1979. Seuls les deux éléments intermédiaires sont motorisés. Des innovations qui feront école apparaissent : le chauffage par air puisé et les portes automatiques louvoyantes-coulissantes, plus fiables notamment par temps de neige. Le nez de l'automotrice et le poste de conduite ont été complètement remodelés et la teinte verte est abandonnée au profit de teintes grise et orange.
Toutes les automotrices construites jusqu'alors, même si leur présentation ou leur technologie diffèrent, ont été conçues en vue de leur compatibilité. Si l'avantage est évident au niveau de l'exploitation, cette règle a empêché une modernisation fondamentale du schéma de ces automotrices.
Seul l'abandon de l'accouplabilité des nouveaux engins avec les anciens peut permettre de franchir un nouveau seuil de performances.
L'idée fut adoptée et les études portèrent sur la technologie, le confort et l'architecture générale d'une automotrice désignée sous les vocables "Nouvelle Génération", "Break" ou "Série 80" ...
Cette automotrice peut rouler à 160 km/h et sa motorisation plus puissante (1.240 kw) lui permet des meilleures accélérations.
Le hacheur à thyristors qui entraîne des économies d'énergie lors des démarrages permet d'accoupler jusqu'à six de ces automotrices.
Le freinage, influencé par la charge des véhicules, est à commande électrique, le frein électro-dynamique agissant en priorité.
On a adopté l'attelage automatique intégral, réalisant les accouplements mécanique, électrique et pneumatique.
Le confort a fait l'objet de recherches poussées, qui ont porté tant sur l'amélioration de la suspension que sur un accès plus aisé, la conception des sièges, le chauffage et la ventilation par air pulsé, l'éclairage et la décoration.
C'est en 19*9 et 1950, à l'occasion de l'électrification des lignes Bruxelles - Charleroi et Linkebeek - Anvers, que la S.N.C.B. prit livraison de ses premières locomotives électriques. Vingt d'entre elles - qui allaient devenir la "Série 29" après avoir été codifiées "type 101" - avaient une puissance de 2.200 ch (1.620 kW) et leur vitesse était limitée à 100 km/h. Affectées principalement à la remorque des trains de voyageurs semi-directs lourds et des trains de marchandises, elles seront utilisées plus tard à la traction des rames vapeur dans la Jonction Nord-Midi et ne seront retirées du service actif qu'en mai 1983, sans pour autant être mises à la retraite : on a pu voir ensuite leur silhouette caractéristique dans certaines grandes gares où elles manœuvraient des rames lourdes.
Pour mieux mesurer l'évolution des locomotives électriques belges entre ces premiers engins et ceux de 1985, attardons-nous à quelques particularités de ces "Série 29".
Elles sont à deux bogies à deux essieux moteurs et aptes à remorquer trains de voyageurs ou de marchandises. Ces éléments de base constitueront une règle générale pour la construction des locomotives ultérieures.
Ces premiers engins étaient de conception française et d'une technique assez simple. Des manipulateurs "cran par cran" à quarante positions commandaient les quatre moteurs de traction et, au démarrage, l'énergie était dissipée dans des grilles de résistance largement dimensionnées, afin de supporter des périodes de démarrage pouvant être vingt-cinq fois plus longues que pour une automotrice.
Aucun relais de décèlement de patinage n'était prévu et le travail de telles locomotives nécessitant un coefficient d'adhérence élevé, il appartenait au personnel de conduite de maîtriser "au juger" tout emballement, et il s'y habitua très rapidement.
Particularité qui sera abandonnée par la suite : la caisse reposait sur deux bogies attelés entre eux par un tirant central avec deux groupes de tampons élastiques équilibrés. Les butoirs et le crochet de traction étaient fixés sur le bogie même, la caisse n'intervenant pas dans la transmission des efforts.
En vue des commandes suivantes, exigées par le développement de l'électrification, un cahier des charges fut élaboré afin de définir des prototypes qui allaient "typer" le parc des locomotives belges pour une longue période. Il s'agirait de locomotives à deux bogies de deux essieux moteurs, prévues pour une vitesse maximale de 130 km/h et dont la commande se ferait par l'intermédiaire d'arbres à cames avec servomoteurs électriques et dont le poids se situerait autour de 84 tonnes, la puissance étant comprise entre 1.800 et 2.000 kw. Elles seraient mixtes, c'est-à-dire aussi bien aptes à la traction des trains de marchandises que de voyageurs. Ainsi naquirent entre décembre 1949 et mars 1950 six locomotives prototypes, dont trois de conception belge et trois de conception suisse, ces dernières ayant été retirées du service en 1967.
C'est suivant le schéma général des trois prototypes belges que seront commandées les locomotives qui étofferont le parc de la S.N.C.B. jusqu'au début des années septante, et dont voici la répartition avec leurs caractéristiques principales :
ANNEE | SERIE | NOMBRE | MASSE | PUISSANCE | VITESSE |
(tonnes) | (kW) | max. | |||
1949 | 28 | 3 | 85 | 1.985 | 130 |
1954 | 22 | 50 | 87 | 1.880 | 130 |
1955 | 23 | 82 | 93,3 | 1.880 | 130 |
(Série équipée pour la conduite en unités multiples et pour le freinage par récupération). | |||||
1960/1 | 25 | 14 | 85 | 1.880 | 130 |
25.5 | 8 | 85 | 1.880 | 130 | |
(Cette dernière série est bicourant (3.000/1.500 V.cc) et affectée aux rames réversibles Bénélux). | |||||
1964 | 26 (1ère) | 5 | 82,4 | 2.355 | 130 |
1969/72 | 26 (2ème et 3ème) | 30 | 82,4 | 2.590 | 130 |
L'évolution technique de ces modèles est marquée par l'adoption du freinage par récupération, la conduite en unités multiples, la lutte contre le patinage.
La construction de la "Série 26" constitue une nouvelle étape avec une augmentation sensible de la puissance qui passe de 1.880 pour les séries antérieures à 2.590 kW, avec une masse légèrement inférieure. Pour concilier augmentation de puissance et adhérence, on a opté pour un bogie monomoteur ainsi que pour la traction basse, qui donnera satisfaction et sera adoptée sur les locomotives des dernières générations.
La solution du bogie monomoteur permet une réduction du poids et du prix, une meilleure adhérence par une solidarisation des essieux et le démarrage en parallèle des moteurs. A poids égal, on obtient ainsi un gain de puissance de 35 % et les charges remorquables sont augmentées d'autant.
Ces locomotives robustes et fiables ont été prévues pour la conduite en unités multiples et sont accouplables également avec les "Série 23".
Pendant cette même période, la S.N.C.B. a en outre pris livraison d'un type de matériel dont elle s'est fait, par la force des choses, une spécialité : les locomotives polycourants.
En effet, aucun des réseaux voisins n'a adopté le 3.000 volts continu. Les Pays-Bas ont le 1.500 volts continu, l'Allemagne le 15.000 volts alternatif 16 2/3 périodes et la France, pour ce qui concerne les lignes convergeant vers la Belgique, le 25.000 volts alternatif 50 périodes. Cette situation mettait notre pays dans une situation assez unique, en raison de la densité du trafic de et vers ces pays comme du trafic de transit.
Le problème posé par les différences de courant fut, à l'origine, réglé par l'installation aux points frontière de gares commutables, mais l'obligation d'effectuer chaque fois des évolutions de deux locomotives entraînait des pertes de temps. On pensa donc à étudier des locomotives capables de circuler sous différents types de courants.
L'utilisation du 1.500 volts continu du réseau néerlandais n'était pas compliqué : il suffisait de coupler les moteurs en parallèle. Par contre, pour la transformation du courant alternatif en courant continu on se heurta longtemps à l'impossibilité de construire des redresseurs de courant d'un poids et d'un encombrement tels qu’ils puissent être embarqués. Il a fallu l'avènement du redresseur au silicium pour surmonter cette incompatibilité.
L'élément actif de ce redresseur est une pastille de silicium adéquatement dopé de la dimension d'une pièce d'un franc, permettant à l'époque (1960) de laisser passer un courant de 200 ampères et de bloquer en toute sécurité une tension de 400 à 600 volts. Un montage de plusieurs de ces cellules permet de transformer un courant alternatif en un courant plus ou moins continu de 1.500 volts dont peuvent s'accomoder les moteurs de traction.
Ce problème étant réglé, il fallut prévoir des pantographes adaptés au gabarit des lignes caténaires des divers réseaux et, malgré la charge supplémentaire des systèmes de transformation, on a dû alléger la masse totale, strictement limitée à 84 tonnes pour une "BoBo" devant circuler à 160 km/h sur le réseau français.
Afin d'éviter de graves avaries à la locomotive suite à une erreur dans les mises en service des installations de conversion, on a prévu des vérifications et verrouillages automatiques.
On note aussi l'introduction de l'électronique pour la première fois sur des locomotives belges, électronique ayant en charge le contrôle des redresseurs, la protection des moteurs contre les survitesses et le réglage du disjoncteur afin de l'adapter aux différentes tensions.
Du fait que ces locomotives sont affectées exclusivement aux services voyageurs, la vitesse a pu être portée à 160 km/h et même à 180 km/h.
Voici comment se présentait le parc des polycourants fin 1983 :
ANNEE DE CONSTRUCTION. | SERIE | NOMBRE | MASSE | PUISSANCE | VITESSE MAXI |
(tonnes) | (kw) | ||||
1962 | 15 tricourant |
5 | 77,7 | 2.780 | 160 |
1966 | 16 quadricourant |
8 | 82,6 | 2.780 | 160 |
1973 | 18 quadricourant |
6 | 113 | 4.450 | 180 |
(Seule cette série 18 est du type CC (deux bogies monomoteur à trois essieux) et est inspirée de la "40100" de la S.N.C.F.). |
La mise en service de ces locomotives a permis de réduire sensiblement les temps de parcours des trains internationaux, Bruxelles et Paris, par exemple, pouvant être reliés en moins de 150 minutes.
Mises à part ces locomotives polycourants, toutes celles construites jusqu'en 1971, en raison de leur caractère mixte et de la technique de l'époque, n'ont pu dépasser le seuil de 130 km/h.
Mais un pas technologique important va bientôt pouvoir être franchi et constituera une véritable charnière dans la conception des locomotives, grâce à l'introduction de l'électronique de puissance ...
1975 marque l'avènement du premier hacheur à thyristors sur une locomotive de grande puissance à courant continu.
Le thyristor est un semi-conducteur fonctionnant comme un interrupteur pouvant être enclenché ou déclenché très rapidement. Comment dans ce cas se règle la vitesse d'un moteur ? Celui-ci est enclenché et sa vitesse croît ; si l'alimentation est interrompue, la vitesse décroît. En influençant les temps d'enclenchement et de déclenchement des thyristors, toute une gamme de vitesses peut être obtenue, avec comme conséquence une très grande souplesse de démarrage alliée à une diminution de la consommation d'énergie.
A ces avantages, s'ajoutent une moindre sollicitation des fils de contact dans les zones de démarrage et un abaissement du courant de pointe des sous-stations alimentant les grandes gares.
Si le système était déjà appliqué depuis quelque temps sur des locomotives alimentées en courant alternatif, il fallait l'adapter au courant continu. Les ingénieurs belges parvinrent à maîtriser parfaitement ce problème ardu et conçurent une locomotive qui par ses performances particulièrement élevées constituait une première mondiale. Il s'agit de la "série 20" d'une puissance de 5.150 kW et d'une vitesse maximum de 160 km/h, dont vingt-cinq unités furent livrées à partir de 1975.
Cette locomotive de type "C.C.", d'un poids de 111 tonnes et destinée indifféremment à la remorque des trains de voyageurs ou de marchandises peut, grâce à son hacheur à thyristors, soutenir indéfiniment à faible vitesse les efforts importants exigés par le trafic marchandises ou développer à vitesse élevée des efforts suffisants sans devoir faire appel à la solution mécanique compliquée du double rapport d'engrenages.
Tous les moyens classiques de prévention et de lutte contre le patinage ont été utilisés, tandis que le freinage fait appel à un frein électrique diminuant l'usure des blocs de freins et des jantes, et qui est automatiquement combiné avec le frein pneumatique, et prioritairement mis en service. Ce frein permet également de réaliser un freinage de maintien sur de longues pentes.
Certains automatismes ont été mis au service du conducteur et notamment le maintien de la vitesse imposée par le manipulateur tout en ne dépassant pas un effort de traction maximum, également affiché sur le manipulateur.
Les électrifications se poursuivant, et dans la perspective de la mise à 160 km/h de certains grands axes, la S.N.C.B. décida d'acquérir de nouvelles locomotives capables d'atteindre cette vitesse et dont les performances seraient utilisables dans l'immédiat sur les lignes à 140 km/h. Le profil du réseau n'exigeant toutefois pas la multiplication de locomotives aussi puissantes que celles de la "Série 20", on en revint à un type réunissant les plus récents progrès techniques et bénéficiant de l'expérience des "20", mais d'une puissance moins élevée.
Ce sera la "Série 27" qui compte soixante unités.
Il s'agit d'une locomotive du type "Bobo", d'une puissance de 4.150 kW et comprenant deux unités de traction, chacune composée d'un hacheur alimentant deux moteurs en série. Ces hacheurs sont équipés d'un thyristor supplémentaire "vernier" permettant une découpe encore plus fine des démarrages.
Nouveauté à souligner : grâce aux progrès techniques on a pu abandonner pour l'alimentation des auxiliaires le traditionnel groupe moteur-alternateur au profit d'un convertisseur statique.
Un effort particulier a porté sur un ensemble de haute fiabilité et on a prévu des dispositifs de secours afin qu'en cas d'avarie ou de dérangement à tout circuit électronique de puissance, d'auxiliaire ou de commande, la locomotive puisse au moins atteindre un point de relais.
Une autre commande de trente locomotives "Série 21" d'une technologie et d'un aspect identiques mais d'une puissance plus réduite - 3.150 kW - a ensuite enrichi le parc de la S.N.C.B., qui sera encore complété par deux autres séries dérivées de la "21" : douze locomotives bicourant 3.000/1.500 volts continu destinées aux relations vers les Pays-Bas et douze locomotives bicourant 3.000 volts continu / 25.000 volts alternatif qui tracteront des convois vers la France.
Toutes les locomotives des dernières générations ont été prévues pour la conduite en unités multiples et pour la traction de rames réversibles composées de voitures M4 et M5 (à deux niveaux). Grâce à elles, les locomotives non thyristorisées ont pu être affectées à des lignes et à des services exigeant moins de puissance et de vitesse.
La S.N.C.B. envisagea, dès 1930, de mettre en service des autorails sur les lignes secondaires. Il s'agissait alors d'engins lourds et de faible puissance (trois à vapeur et trois à moteur diesel).
Jusqu'en 1939, soixante autres autorails furent acquis, dont la moitié fut détruite durant la guerre et le reste déclassé de 1955 à 1968. Certains d'entre-eux pouvaient rouler à 120 et même à 140 km/h et assurèrent des liaisons rapides entre Bruxelles et les grands centres urbains du pays.
Mettant à profit l'expérience acquise, la S.N.C.B. mit en service à partir de 1939 une centaine d'autorails légers, peu coûteux, fiables, d'un excellent rapport puissance-poids et dont la motorisation, suspendue sous la caisse, était constituée par du matériel de camion. Une vingtaine d'entre eux, encore en service en 1960, reçurent un moteur plus puissant avec transmission automatique.
Au début des années 1950, alors que se profile déjà la fin de l'ère de la vapeur, on définit des autorails de plus grande capacité, plus rapides et plus puissants, capables de remplacer la traction vapeur sur les lignes secondaires. De 1954 à 1961, le parc sera complété par soixante-trois autorails pouvant atteindre des vitesses de 80, 90 ou 100 km/h, selon les types. Ceux restant encore en service durant la décennie 1970 seront modernisés, soit par une motorisation nouvelle, soit par une amélioration de l'aménagement intérieur et, pour raisons de sécurité, par la transformation du poste de conduite et de la livrée extérieure, le vert traditionnel étant abandonné au profit du rouge et du jaune, visibles de plus loin.
L'extension de l'électrification et le plan de restructuration ont entraîné à partir de juin 1984 la mise hors service de nombreux autorails, une vingtaine seulement restant en ligne après 1987.
Au début des années 1950, la S.N.C.B. se fixa comme objectif d'éliminer la traction vapeur aussi vite que possible. De pair avec l'électrification, elle envisagea un achat massif de locomotives diesel de ligne, qui allaient être progressivement mises en service de 1954 à 1966.
Les locomotives des premières séries réunissaient pour une large part les caractéristiques que l'on retrouvera dans les séries ultérieures :
Il était convenu que ces locomotives devaient avoir des performances au moins égales à celles des locomotives à vapeur les plus puissantes. En fait, elles remorquèrent des charges plus élevées dans des temps de parcours améliorés.
Leur puissance de 1285 kW (1750 ch) se révéla surabondante pour remplacer une grande partie des "vapeurs" et pour les commandes ultérieures on la limita à 1050 kW (1400 ch). On notera toutefois pour les dernières commandes une élévation de cette puissance, grâce essentiellement à un meilleur rendement des moteurs diesel.
Afin d'éliminer les évolutions des locomotives affectées à la traction des trains de voyageurs, notamment dans les gares en cul-de-sac, la S.N.C.B. aménagea des rames de trois et quatre voitures, la voiture du côté opposé à la locomotive étant équipée d'un poste de conduite. Quarante-deux rames furent ainsi transformées en vue du fonctionnement en rames réversibles, la locomotive les tirant dans un sens et les poussant dans l'autre.
Les voitures internationales de construction récente n'étant plus équipées que d'installations de chauffage électrique, on fit face à cette situation nouvelle en ajoutant aux trains un fourgon-générateur dont le groupe électrogène pouvait fournir 420 kW sous une tension continue de 3.000 V. Pour s'affranchir de la contrainte de ces véhicules supplémentaires, neuf locomotives diesel furent équipées d'une génératrice pour le chauffage des trains.
L'extension de l'électrification d'une part, la restructuration de l'exploitation d'autre part, ont rendu disponible une partie importante de l'effectif des locomotives diesel de ligne, dont certaines avaient atteint plus de trente ans d'âge et étaient donc largement amorties.
Au théâtre, les vedettes font souvent oublier ceux qui dans les coulisses accomplissent un travail obscur sans lequel rien ne serait possible. Ainsi en est-il dans les chemins de fer où, pour le public, seules les locomotives de ligne méritent considération, alors que dans les faisceaux des gares de formation les locomotives de manœuvre apportent une contribution certes effacée mais pourtant indispensable à l'exploitation du réseau.
Les premières d'entre elles apparurent déjà en 1945 dans certaines gares, mais c'est à partir de 1954 que la S.N.C.B. va procéder massivement au remplacement des locomotives à vapeur de manœuvre, avec la commande de cent unités à moteur lent. Quinze sont à quatre essieux et 85 à trois essieux, ces dernières disposant d'un sélecteur à deux vitesses autorisant des vitesses de 33 et 50 km/h.
Après avoir expérimenté des moteurs rapides, la S.N.C.B. en reviendra aux moteurs lents avec une nouvelle commande de 180 unités livrées de 1966 à 1977. Il s'agit d'engins à trois essieux avec poste de conduite central surélevé et capot surbaissé afin d'offrir une meilleure visibilité.
Pour la desserte d'ateliers et de gares à voyageurs et autres services exigeant moins de puissance, la S.N.C.B. a en outre acquis soixante locotracteurs à deux essieux couplés.
Ces derniers, ainsi que 393 locomotives à trois essieux, sont les deux modèles standard constituant finalement le parc des locomotives de manœuvre de la S.N.C.B.
Le voyageur qui, aujourd'hui, assis sur le siège confortable d'une voiture insonorisée, dotée d'un éclairage agréable, d'une suspension parfaite, bien ventilée et chauffée, et qui regarde le paysage défilant à 140 km/h n'imagine pas quelles étaient les conditions de transport de ses ancêtres de 1835.
Que de progrès réalisés depuis cette époque où l'on voyageait dans des chars non couverts, équipés de bancs de bois qu’il fallait enjamber pour rejoindre sa place, et dont un simple garde-corps tenait lieu de portière.
Certes, si l'on disposait davantage de moyens, on pouvait au prix de la deuxième classe s'installer dans un véhicule à peu près semblable, mais couvert et où l'on était (un peu) protégé des intempéries et des poussières par des rideaux de toile.
Des voitures dont les compartiments étaient aménagés sur le modèle de ceux des diligences accueillaient les voyageurs de première classe, à qui était réservé, en outre, l'agrément de quatre lanternes accrochées aux extrémités, tandis qu'une impériale à galerie recevait les bagages.
Enfin, des berlines plus luxueuses, constituant une première classe "extra", comportaient deux compartiments séparés par un couloir central.
Mais ces commodités, d'ailleurs réservées à une classe très aisée, n'effaçaient pas les inconvénients de techniques élémentaires : voies instables, suspension rudimentaire, attelage sans tendeur à vis qui provoquait des chocs violents lors des démarrages et des arrêts.
L'évolution vers un meilleur confort ne se fit heureusement pas attendre longtemps et en 1858 déjà les voitures de 3e classe à deux essieux présentaient une sensible amélioration. Elles étaient du type anglais à compartiments isolés et offraient quarante places.
Les modifications suivantes portèrent principalement sur une augmentation de la longueur, du poids et de la capacité.
Jusqu'en 1888, le garde-train procédait au contrôle des voyageurs en circulant sur les marchepieds extérieurs, le long des voitures.
1890 voit l'apparition d'une voiture qui fera date : elle a trois essieux et ses huit compartiments de 3e classe peuvent accueillir 80 voyageurs assis, ce qui lui vaut son nom : "à grande capacité".
Elle mesure 12,520 m et pèse 14,5 tonnes. La caisse faite d'un assemblage de bois est simplement posée sur un châssis en acier, puis assemblée à celui-ci, qui est appelé à résister aux efforts de traction et de compression.
Autre innovation marquante en 1901 : cette voiture subit d'importantes transformations. On crée un couloir latéral, installe un w.c. et ajoute une plate-forme à l'extrémité qui permettra au garde de passer d'une voiture à l'autre pour le contrôle. Désormais, elle s'appellera "G.C.I." (Grande capacité à intercommunication). Ainsi transformée cette voiture pèse 19 tonnes et mesure 15,09 m, mais sa capacité en 3e classe est réduite à 64 places.
Durant plusieurs dizaines d'années, ces voitures qui connaîtront encore des aménagements divers composeront la totalité des trains omnibus dans tout le pays, et les derniers exemplaires seront retirés du service en 1960.
Beaucoup ont encore en mémoire l'image de ces voitures dont la vitre se manœuvrait au moyen d'une courroie percée de trous pour en régler la hauteur et dont la fermeture de sécurité des portières des compartiments était assurée par des clichets extérieurs.
C'était l'époque où des voitures étaient spécialement réservées aux dames, aux abonnés à la semaine, aux écoliers et aux écolières.
C'était aussi l'époque, et ce jusqu'au 1er juillet 1952, où trois classes existaient. On décida alors de supprimer la première en service intérieur, qui n'était plus utilisée que par un pour cent des voyageurs.
Dès lors, les voyageurs de l'ancienne 2e classe s'efforcèrent, dans la limite des places disponibles, d'occuper l'unique compartiment de 1ère classe, qui se différenciait de ceux de "seconde" (comme on disait généralement) par le tissu des sièges de teinte différente et plus ouvragé, un pose-tête en dentelle et une affichette "n'autorisant à fumer qu'avec l'assentiment de tous les voyageurs".
En 1907, on crée un train-bloc (1) Bruxelles - Anvers présentant une innovation qui fera école : les voitures sont montées sur des bogies à deux essieux.
C'est en 1933 que la S.N.C.B. envisagea la construction de voitures à voyageurs à caisse entièrement métallique, dans le but primordial d'accroître la sécurité. En cas d'accident, en effet, les voitures en bois étaient très vulnérables et c'est d'ailleurs pourquoi la première voiture d'une telle rame n'était pas accessible aux voyageurs.
La S.N.C.B. porta son choix, pour ces voitures métalliques, sur un type de construction à ossature plutôt que tubulaire (qui sera adopté par la compagnie du "Nord-Belge"). On estimait que l'ossature présentait une meilleure résistance aux chocs.
Cette ossature fut, à l'origine, assemblée par des rivets, et plus tard par soudure afin d'obtenir une caisse plus homogène et donc plus solide encore.
Au fil des années, les études portèrent sur un allégement du poids des voitures et l'on utilisa notamment des aciers au cuivre permettant, par leur plus grande résistance à la corrosion, des épaisseurs moindres.
En vue d'un meilleur confort et d'une économie d'énergie, on réalisa des isolations thermiques par l'inclusion de laine de verre dans les parois et, plus récemment on généralisa l'emploi de doubles vitrages, solution qui avec l'adoption de planchers flottants eurent également des effets acoustiques bénéfiques.
Avec l'avènement des voitures métalliques, on en revint à des schémas classiques, qui subsistent encore aujourd'hui :
Le schéma "5 places en largeur" dans les voitures de 2e classe du service intérieur s'est imposé en raison du fait qu’il permet d'accroître de 25 % le nombre de places "assis", avantage particulièrement appréciable aux heures de pointe, sur lesquelles se concentre la part la plus importante du trafic. Compte tenu de la distance moyenne relativement courte des déplacements, cette formule offre un confort acceptable et ménage aux voyageurs des heures creuses un espace plus généreux.
Deux séries de voitures métalliques à bogies pour le service intérieur furent livrées à partir de 1933 : le type "K 1" avec plate-forme d'accès aux extrémités, mesurant 22 m de long, pesant 41,9 t et offrant 108 places ; le type "L" mesurant 18 m, pesant 37 t et pouvant accueillir 97 voyageurs par des portières donnant accès directement aux compartiments.
En 1937 sortira une autre série de voitures présentant une caractéristique inédite : des portières à fermeture automatique.
Toutes les innovations ultérieures, rendues possibles par les voitures métalliques, auront pour but d'améliorer la sécurité et le confort, celui-ci dépendant de l'espace offert, de la commodité des installations, de la décoration, de la ventilation, du chauffage, de l'éclairage et aussi de la suppression des bruits et des trépidations. Autant d'éléments qui ont connu une évolution ayant abouti à ce confort optimal offert sur les voitures les plus récentes, et qu'il est intéressant d'évoquer.
Les organes de roulement - roues et suspension - jouent un rôle primordial dans le confort et la sécurité. A l'origine, la suspension dépendait de lames de ressort plus ou moins flexibles, auxquelles on ajouta plus tard des amortisseurs. Un progrès considérable fut ensuite possible grâce à l'utilisation de ressorts en hélice et de la suspension pneumatique permettant aussi le réglage à une hauteur constante par rapport au niveau du rail.
Entretemps, on avait amélioré la suspension en intercalant un système élastique ou des plaques de plomb entre la caisse et le châssis.
Les essieux ont également connu d'importantes améliorations. De forme empirique, au début, on leur conféra des formes rationnelles réduisant et même supprimant les risques de rupture. C'est encore pour éviter ces risques ainsi que le lâchage des bandages que l'on abandonna progressivement la roue à rayons, puis celle à voile dotées de bandages au profit de la roue monobloc qui permet, en outre, des vitesses plus élevées.
L'ancien système des boîtes d'essieux à coussinets fixes lubrifiés à l'huile présentait des risques d'échauffements dangereux. Il est actuellement à rouleaux enduits de graisse, système d'ailleurs rendu obligatoire sur tout le matériel international.
Nous avons dit que les attelages rudimentaires des premiers trains entraînaient lors des démarrages et des arrêts des chocs pénibles pour les voyageurs. Ils consistaient alors en un crochet et deux chaînes, et les tampons n'étaient que des blocs de bois fixés aux bouts des longerons du châssis.
Tampons et crochet furent ensuite articulés sur des ressorts à spirale ou encore rendus solidaires d'un même ressort horizontal, systèmes qui furent notablement améliorés par le tendeur à vis permettant de rapprocher les véhicules jusqu'à la compression des tampons et d'éviter les chocs.
On adopta pour les tampons, finalement dotés d'anneaux concentriques, des formes bombées et, pour les voitures à grand empattement, une forme rectangulaire pour les maintenir en contact permanent, notamment dans les courbes.
Des études très poussées ont été faites au niveau international en vue de l'adoption généralisée de l'attelage automatique qui permet la composition de trains très lourds et l'accélération de la manutention du matériel. L'importance des investissements exigés par une telle reconversion en a retardé l'application mais voitures et wagons de construction récente ont été étudiés pour permettre cette transformation.
Le frein joue évidemment un rôle primordial dans la sécurité puisqu'il lui appartient de maîtriser la vitesse des convois et de provoquer leur arrêt. Il n'est donc pas étonnant que depuis la création des chemins de fer il ait fait l'objet d'études attentives afin d'accroître son efficacité.
Sa première forme pratique apparaît avec le frein à vis, dont la manœuvre s'effectue manuellement dans une guérite attenante au véhicule, et sur commande donnée par le conducteur au moyen du sifflet de la locomotive. Outre que ce système exigeait un personnel nombreux travaillant l'hiver dans des conditions éprouvantes, il ne fonctionnait pas instantanément car les réactions des serre-freins n'étaient jamais d'un ensemble parfait.
La vitesse et la charge des trains augmentant, la nécessité de la centralisation de la commande de tous les freins entre les mains d'un seul homme s'imposa et les recherches aboutirent au frein continu, qui connut bien des solutions mécaniques avant de devenir pneumatique. Un système auquel George Westinghouse apportera sa version définitive en 1872, et qui dans son principe essentiel est encore en usage aujourd'hui.
Ce système fut généralisé en Belgique en 1885, puis vint le frein continu à action rapide avec triple valve. Après la dernière guerre, suite à l'augmentation des vitesses, on perfectionna encore ce système grâce à un dispositif permettant une modérabilité au desserrage, intéressante sur les longues pentes.
Pendant très longtemps, le freinage fut assuré par l'application de sabots de fonte sur la jante, puis on eut recours pour les voitures appelées à circuler à grande vitesse à un alliage composite plus résistant à la chaleur. Ces systèmes ont toutefois l'inconvénient de provoquer une usure des bandages de roues. Sur le matériel moderne, on a donc adopté le frein à disque soit seul, soit en complément des sabots. Son efficacité a été améliorée, plus récemment, grâce à la mise au point d'un dispositif désenrayeur, empêchant la roue de se bloquer et évitant ainsi l'apparition de méplats par une adaptation de la pression dans les cylindres de frein. Les voitures internationales modernes ont été équipées à partir de 1963 du frein électropneumatique, ce qui a exigé en complément une conduite d'air comprime à haute pression (8 bar).
L'éclairage des voitures fut tout d'abord assuré par des lampes à huile de colza, puis au pétrole, dont l'allumage se faisait à partir du toit, travail périlleux surtout par temps de neige et de gel et qui valait aux ouvriers à qui il était confié le surnom d'"acrobates". Cet éclairage rudimentaire, qui n'était réservé qu'aux première et seconde classes, n'était pas sans inconvénient : sous les chocs, il arrivait que l'huile se répande sur les voyageurs, qui préféraient souvent se munir d'une lanterne à bougie vendue dans les gares.
On utilisa ensuite le gaz de ville emmagasiné dans des outres comprimées par un jeu de poids, système encombrant qui fut remplacé par du gaz riche obtenu par la distillation de paraffine, comprimé dans de grands réservoirs métalliques placés dans le fourgon et distribué dans les voitures par une conduite métallique. Plus tard, avec l'invention du bec Auer on en revint au gaz de ville.
C est au début du siècle, après diverses expériences originales, que l'éclairage électrique des trains se généralisa grâce à une solution qui fut adoptée universellement et est encore en usage sur le matériel ancien. L'énergie électrique est produite par un dynamo reliée à un essieu par une courroie, et le courant est régularisé par des accumulateurs assurant l'éclairage lors des arrêts. Par la suite, la courroie fut remplacée par un cardan partant de la boîte d'essieu.
Sur le matériel moderne utilisable exclusivement sur les lignes électrifiées, on a recours à un convertisseur statique qui, à partir de la haute tension fournie par la locomotive, débite un courant de 24 V pour l'éclairage, la ventilation et la charge des batteries, celles-ci n’intervenant que lorsqu'une locomotive n'est pas attelée à la rame.
Les dispositifs d'éclairage ont évidemment beaucoup évolué. Des lampes à incandescence on est passé aux tubes fluorescents disposés de telle sorte qu'ils créent un éclairage d'ambiance ou direct apprécié des voyageurs.
L'historique du chauffage des trains, comme celle de l'éclairage, ne manque pas de pittoresque ... Elle prouve en tout cas cette volonté constante de rechercher un meilleur confort pour les voyageurs, même s'il fallait recourir autrefois à des moyens extrêmement contraignants pour une efficacité limitée.
Les chaufferettes, sorte de bouillottes consistant en un cylindre de tôle aplati que l'on remplissait d'eau chauffée à 80 ou 90 dégrés, constituèrent longtemps le seul moyen de chauffage. A partir de 1854, seules les voitures de 1ère classe bénéficiaient de ce confort et ce n'est qu'à partir de 1879 que ces chaufferettes furent placées dans toutes les voitures des trains express, dans les voitures de 1ère classe de tous les trains et dans un compartiment de 2e et de 3e classes par train, exclusivement réservé aux dames.
Ce chauffage était très irrégulier. Trop chaud au début, il devenait insuffisant après deux heures et on y suppléait, en 1ère classe par des housses en peau de mouton et d'épais tapis de sol, et en 2e et 3e classes, par ... du foin.
Par la suite, on perfectionna le système en ajoutant à l'eau de l'acétate de soude qui retardait son refroidissement.
On utilisa aussi pour le chauffage des voitures des calorifères composés d'un seau à glissière réglable et d'une enveloppe fixe placée dans la cloison séparant deux compartiments.
Ces moyens de chauffage furent progressivement éliminés à partir du début du siècle et jusqu'en 1914, au profit du chauffage continu, soit à eau chaude, soit à vapeur.
Dans le système à eau, un injecteur faisait circuler d'un bout à l'autre du train un courant d'eau chaude qui revenait au tender par une autre conduite, après avoir alimenté deux chauffe-pieds en fonte dans chaque compartiment.
L'appareillage était à peu près semblable pour le système à vapeur qui, fournie également par la locomotive, était évacuée sous forme condensée.
Ce chauffage à vapeur fut généralisé à toutes les voitures et aujourd'hui encore il subsiste dans les rames tractées par des locomotives diesel. C'est un système fiable et efficace, même s'il n'atteint pas toujours la perfection. Par froid intense, en effet, son efficacité décroît dans les dernières voitures d'une longue rame. D'autre part, aucun réglage automatique de la température n'est possible.
L'électrification a évidemment apporté une solution plus rationnelle à ce problème. Quelque soit la composition du train, les radiateurs de toutes les voitures sont tous alimentés dans la même mesure et leur régulation est assurée par des thermostats d'ambiance.
Dans le matériel moderne, le chauffage est associé à la ventilation grâce à de l'air puisé, dont la température est réglée avec une plus grande précision par des dispositifs électroniques influencés à la fois par la température intérieure des compartiments et par la température extérieure, grâce à des sondes thermiques. Ce système, outre qu'il assure une meilleure répartition de la chaleur, évite en hiver l'impression de confinement que donne le système de chauffage radiant dans un espace clos.
Signalons, enfin, que les voitures internationales modernes bénéficient de la climatisation qui, quelque soient les conditions atmosphériques, permettent de maintenir une température constante à l'intérieur, par l'apport d'air chauffé ou réfrigéré selon les besoins.
L'aménagement intérieur des voitures est certainement un élément du confort auquel le voyageur est le plus sensible. Ce souci de rendre le voyage aussi confortable que possible ne concernait, à l'origine, que les voitures de 1ère et 2e classes, auxquelles un luxe souvent cossu était réservé. Au fil du temps, le fonctionnel prit le pas sur ce luxe tandis que les voyageurs de 3e classe se virent offrir un confort acceptable. Ce n'est toutefois qu'après la guerre de 1940-1945 que les banquettes de bois firent place à des sièges rembourrés. Et dans les voitures les plus récentes, la forme des sièges de toutes classes a fait l'objet d'études ergonomiques très poussées, tandis que l'espace était plus largement dimensionné.
Les recherches relatives à la décoration ont été orientées dans le double but de créer une ambiance agréable et de renforcer encore la sécurité, notamment par l'emploi de matériaux à la fois solides et résistant au feu. Aux panneaux en bois ou en tôle peinte, on a substitué notamment des revêtements stratifiés à surface décorative d'un entretien plus facile.
L'utilisation de verre de sécurité a été généralisée et les châssis des fenêtres ont connu une évolution sensible : aux vitres descendantes d'antan on a successivement substitué des vitres semi-descendantes, puis un châssis dont la partie supérieure coulisse horizontalement, permettant une aération sans courants d'air intempestifs.
Le maniement des portes intérieures a été facilité par des systèmes de rappel automatique, tout comme celui des portes d'accès. Leur fermeture est automatique sur de nombreuses voitures et sur les dernières nées, ainsi que sur les automotrices de la Nouvelle Génération, la simple pression d'un bouton provoque leur ouverture. Facteur supplémentaire de sécurité, ces portières automatiques sont verrouillées durant la marche du train.
De l'ouverture de ces portières à l'accès à la voiture il n'y a ... qu'un pas à franchir, que l'on s'est employé à faciliter grâce à des emmarchements plus commodes comprenant sur les modèles récents des marches mobiles supprimant les difficultés posées par les différences de hauteur des quais.
Les voitures et les automotrices les plus récentes sont pourvues d'une sonorisation permettant la diffusion d'informations aux voyageurs.
Enfin apparaîtront bientôt sur le réseau une nouvelle génération de voitures à voyageurs : celles à deux niveaux, baptisées M5 et qui, par leur capacité plus importante, permettront d'améliorer l'exploitation sur certaines lignes convergeant vers la capitale.
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Au carrefour des grandes nations européennes, la Belgique allait naturellement être appelée à jouer un rôle de premier plan dans le trafic international des voyageurs, auquel un Belge, Georges Nagelmakers allait très tôt donner des lettres de noblesse ... C est à lui, en effet, que l'on doit la création des premiers grands express européens dans la composition desquels les wagons-lits étaient privilégiés.
La durée des voyages internationaux et les exigences de la clientèle fortunée qui pouvait les entreprendre firent que les voitures internationales atteignirent plus rapidement un bon niveau de confort.
C'est ainsi que le bogie le plus anciennement utilisé équipa les premiers wagons-lits.
A partir de 1883, ces wagons-lits ainsi que des wagons-restaurants formèrent les trains de luxe internationaux.
Au fil des ans, les voyages au long cours par train se popularisèrent et des voitures de toutes classes composèrent les trains, dont le confort ne cessa de s'améliorer.
Aux prestigieux trains pullman succédèrent, après la dernière guerre, les Trans-Europ-Express offrant un confort optimal, tant par l'aménagement intérieur que par la qualité des organes de roulement. Les voitures-lits qui, autrefois rivalisaient de luxe, se firent plus fonctionnelles et s'ouvrirent aux voyageurs de toutes classes, tandis que des voitures-couchettes offraient pour les trajets de nuit un confort correct ... et économique.
Pour les voyages internationaux de jour, une étape décisive fut franchie avec l'acquisition en 1977 et 1978 de voitures standard européennes étudiées en commun par six réseaux, et où tout est réuni pour le confort et l'agrément des voyageurs, tant en première qu'en deuxième classe.
Ces voitures furent les premières à être munies de ressorts prenant appui sur le longeron du bogie d'une part et supportant directement la caisse d'autre part.
Elles marquèrent en outre une nouvelle orientation en ce qui concerne la teinte extérieure des voitures. Le traditionnel vert fut abandonné au profit d'une teinte plus riante : l'orange.
La mise en application du plan de réorganisation de l'exploitation en juin 1984 aura d'ailleurs marqué la fin définitive de cette couleur verte puisque le bordeaux a été adopté pour les voitures du service intérieur.
Pendant de nombreuses années, le parc de wagons à marchandises se limita à un nombre restreint de types de véhicules : tombereaux, couverts et plats, tous à deux essieux.
Dans l'évolution technique de ce parc, un événement émerge nettement : l'abandon du freinage manuel assuré par des serre-freins au profit du frein continu automatique, qui fut une opération complexe car il fallait résoudre à la fois des problèmes techniques et internationaux.
Sur le plan technique, il importait de trouver un système qui permît, tout en gardant au freinage son maximum d'efficacité, de faire varier l'effort selon que le véhicule était vide ou chargé et qui, sous la commande unique du machiniste se transmît d'un véhicule au suivant et jusqu'au dernier - une rame pouvant comprendre jusqu'à soixante wagons - avec une rapidité suffisante pour que le train fût en quelque sorte freiné d'un bloc.
Au niveau international, les wagons passant d'un réseau à l'autre, il était indispensable que les systèmes de freinage soient compatibles entre eux et que tous les pays échangeant des wagons adoptent en même temps ce système, un seul wagon non équipé incorporé dans un train interrompant, en effet, la continuité du freinage.
Une commission internationale définit les caractéristiques d'un tel frein continu et décida que l'équipement du matériel devrait être terminé le 31 décembre 1933. Pour réaliser ce programme, la S.N.C.B. consentit une dépense de 400 millions de francs afin d'équiper 120.000 wagons, selon un plan de travail minutieusement étudié. On eut recours au travail à la chaîne, trente-quatre ouvriers d'une même chaîne équipant complètement vingt-quatre wagons par huit heures de tous les organes du nouveau système de freinage.
Cette transformation entraîna la suppression de 3.000 emplois de serre-freins.
Le frein continu étant généralisé, on put plus aisément augmenter la charge, notamment en construisant des wagons à bogies.
Après la guerre 1940-1945, la politique de la S.N.C.B. tendit à adapter son parc de wagons aux besoins du commerce et de l'industrie, marqués par une production de plus en plus massive. On rencontra l'objectif de bien transporter toutes choses par une spécialisation des véhicules, tout en leur conférant des caractéristiques assurant une utilisation optimale.
Si la plus grande partie du parc reste constituée de véhicules traditionnels, on a développé toute une gamme de wagons spécialisés.
Pour faire face aux besoins très spécifiques de la métallurgie, par exemple, on a construit divers types de wagons transporteurs de "coils" (rouleaux de tôle) équipés de berceaux empêchant le déplacement des charges en cours de route, dont certains à toiture enroulable ou à couverture mobile faite de capots gigognes, pouvant supporter des charges jusqu'à soixante tonnes. Des wagons de deux bogies à trois essieux d'une capacité de 104 tonnes sont destinés aux produits métallurgiques lourds.
Des wagons couverts de grand volume sont conçus pour le transport de marchandises légères et fragiles, la stabilité du chargement étant assurée par des coussins gonflables.
La gamme des wagons-citernes, dont certains sont à déchargement pneumatique, répond à tous les besoins, de même que celle des wagons-trémies.
Citons encore, parmi d'autres, les wagons plats de grande longueur (25 mètres) pour le transport de tubes, les wagons "ferry-boat" dont gabarit, attelage et freins sont adaptés pour le réseau britannique, et les wagons frigorifiques.
Pour certains transports spéciaux, la S.N.C.B. met à la disposition de la clientèle des wagons surbaissés à bogies de deux, trois ou quatre essieux, ces derniers acceptant des charges de 80 tonnes.
Depuis 1963, la S.N.C.B. assure un transport très spécialisé : celui de fonte en fusion (1250°C) entre entreprises sidérurgiques d'un même ou de bassins différents, dans des wagons-poches isothermiques. Plusieurs de ces véhicules totalisent seize essieux répartis en quatre bogies de quatre essieux, atteignant une tare de 190 tonnes pour une charge utile de 155 tonnes. Une expérience sans précédent a permis d'envisager de tels transports entre usines éloignées de 200 km avec une perte négligeable de la température de la fonte.
Une technique qui s'est largement développée ces dernières années et riche de promesses est celle des transports combinés rail-route, basée sur des techniques diversifiées et intégrées au niveau international, apportant une réponse à chaque problème particulier. Cela va du transport des conteneurs à celles des véhicules eux-mêmes chargés sur des wagons spéciaux soit par rampe d'accès, soit verticalement au moyen de portiques. A cet effet, des terminaux rail-route ont été construits aux points névralgiques du pays : Ostende, Zeebrugge, Anvers, Charleroi, Liège, Athus et Bruxelles.
En un demi-siècle, il a été possible de réduire le parc des wagons de la S.N.C.B. d'environ 80.000 unités, grâce à une augmentation de leur capacité individuelle.
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L'exploitation du service des marchandises, en raison de sa diversité et de son extrême ramification, et qui représente une part importante de l'activité ferroviaire, est particulièrement complexe. En effet, la S.N.C.B. reçoit en moyenne chaque jour, de ses clients ou des réseaux voisins, environ dix mille wagons chargés qu'elle doit acheminer dans les meilleures conditions. A ceux-là, il faut ajouter le trafic des wagons vides qui, n'ayant pas trouvé de chargement sur place, doivent effectuer un parcours aussi court que possible pour retrouver une nouvelle utilisation.
L'informatique, en cette manière, a permis la mise au point d'un système de gestion centralisée. Grâce à un réseau de téléimprimeurs et d'ordinateurs locaux reliés à l'ordinateur de grande puissance de Bruxelles, ce système facilite les processus de décision, augmente la fiabilité de l'exploitation, réduit les tâches administratives et, but essentiel, améliore la qualité du service rendu à la clientèle par une meilleure information sur les transports en cours et une réduction du délai d'acheminement.
Ces objectifs sont atteints par cette gestion centralisée grâce notamment à la possibilité de suivre, en temps réel, tous les wagons, aussi bien ceux qui sont dans les gares de chargement ou de déchargement ou dans les trains, que dans les gares de triage.
A tout moment, la position de n'importe quel wagon sur le réseau peut être précisée par le système informatique.
Cette localisation est encore affinée pour les gares de triage, l'ordinateur pouvant indiquer en permanence le numéro de la voie où se trouve chaque wagon, ainsi que son classement sur cette voie.
L'établissement automatique de prévisions à court terme du trafic, la mémorisation du roulement des conducteurs et des locomotives et la mécanisation de l'annonce de la composition des trains aux centres de régulation du trafic constituent, parmi bien d'autres, des applications du système qui a, en outre, rendu possible l'échange d'informations entre la S.N.C.B. et sa clientèle, relatives à la recherche de wagons et de conteneurs et l'annonce automatique de l'arrivée des wagons.
Les tout premiers trains pouvaient se passer de signalisation : leur vitesse était réduite, leur charge légère et, la plupart du temps, ils étaient seuls ou presque sur leur ligne. On roulait à vue et l'espacement des horaires réglait le problème.
Mais, vitesse et poids des convois s'accrurent bientôt, tandis que le trafic s'intensifiait. Les systèmes de freinage étant alors peu efficaces, les risques d'accident n'étaient pas imaginaires et il fallut donc concevoir un moyen d'avertir le conducteur de la présence éventuelle d'un autre convoi sur son itinéraire. La signalisation ferroviaire allait naître.
En pleine voie, l'espacement des convois fut d'abord réglé par des gardes installés dans des guérites et s'annonçant mutuellement les trains à coups de cornet. Dans les gares, des agents manœuvraient des signaux mobiles, drapeaux ou lanternes.
Il fallut bien aussi qu'évolue la manœuvre des aiguillages qui, dans un complexe ferroviaire, jouent un rôle de premier plan, leur moindre fausse manœuvre pouvant entraîner un accident. C'est pourquoi, dès 1838 déjà, une loi sur "l'administration des chemins de fer en exploitation" attachait une importance particulière aux qualités des agents chargés de la manœuvre de ce qu'on appelait alors des excentriques, fonctions qui "ne pouvaient être confiées qu'à des ouvriers d'une très bonne conduite, agréés et connus de l'ingénieur" et qui devaient avoir soin de placer et de replacer les rails mobiles dans la direction prescrite pour ensuite fermer les cadenas et en garder la clef.
L'accroissement du trafic ne tardera pas à imposer d'autres moyens que cette manœuvre sur place et on s'orientera vers des commandes centralisées dans des cabines mécaniques à enclenchement auxquelles Saxby et Siemens, principalement, ont attaché leur nom.
Les signaux eux-mêmes évoluent aussi et à partir de 1875 apparaît le sémaphore à palette, succédant au panneau rouge rectangulaire qui s'effaçait pour autoriser le passage d'un convoi.
A partir des cabines, signaux et aiguillages sont manœuvrés à distance soit par des connexions par fils - ou funiculaires - soit par des tringles ou chaînes, de conception tellement fiable et robuste que certaines installations subsistent encore.
Entretemps, l'électricité a fait une timide mais prometteuse apparition. Le télégraphe morse, la sonnerie animée par un électro-aimant vont constituer l'amorce de systèmes de plus en plus perfectionnés. Des "messages" vont pouvoir s'échanger entre cabines.
Dès lors, la marche au progrès va s'accélérer et concernera tout à la fois la signalisation, la commande des aiguillages et la régulation d'un trafic dont la densité commence à poser bien des problèmes ...
En effet, l'intervalle de temps entre les trains ne suffit plus à garantir la sécurité et la protection des convois va être assurée par le block-système, que le télégraphe avait déjà permis de réaliser de gare à gare, et qui va désormais se faire entre postes de bloc.
Le progrès est évident, mais se révélera bientôt insuffisant pour maîtriser une circulation qui ne cesse de s'amplifier, surtout sur les lignes principales, et qui concerne des trains de voyageurs de plus en plus rapides entre lesquels s'insèrent des trains de marchandises.
Le recours à l'électricité va permettre de résoudre ce problème et la ligne Bruxelles - Ostende connaîtra la première application du block-système par sonnerie. Les postes distants en moyenne de 3.000 mètres sont en relation grâce à un système électrique à courant continu et les annonces d'identification des trains se font entre gares à l'aide du télégraphe.
Le block-système, certes, évoluera mais ses principes de base allant conditionner tout l'avenir de la signalisation, il convient de les rappeler :
Il s'agissait alors d'un système à "voie ouverte", les signaux de pleine voie étant maintenus en permanence au passage, sauf pour assurer la protection d'un train. Des défaillances humaines ayant entraîné des accidents, on mit au point vers 1880 le block par appareils enclenchés. Dès lors, un nouveau mot va enrichir le vocabulaire ferroviaire : la "pédale". Il s'agit d'un dispositif de contrôle établi dans la voie grâce auquel le courant de déclenchement ne peut être envoyé au poste d'amont que lorsqu'il a été franchi par le train et que le signal de block a été remis à l'arrêt.
Les ensembles cabine-signalisation-aiguillages ne cessent de se perfectionner. Fin du 19e siècle, aiguillages et signaux sont connectés par des transmissions à double fil tandis qu'apparaissent de-ci, de-là, des signaux "à distance" jumelés avec des pétards placés sur le rail, précurseurs des signaux avertisseurs de l'avenir.
L'avènement du 20e siècle coïncide avec le développement de la production industrielle d'électricité. Le téléphone fait également son apparition mais son usage restera très limité jusqu'aux années 20. On lui reproche, à ses débuts, son rayon d'action réduit et, à l'inverse du télégraphe, le fait qu'il ne laisse aucune trace, donc aucune preuve en cas d'accident.
C'est donc encore l'époque où les postes de block annoncent les trains par un code de sonneries : quatre "drings" pour un train de voyageurs et ... huit pour un train de marchandises.
Un nouveau pas décisif, et il sera d'importance, est franchi en 1903 lorsqu'on met en service à Anvers-Central la première cabine de signalisation utilisant, à partir d'enclenchements mécaniques classiques, des manettes pour la manœuvre des aiguillages et des signaux, désormais commandés par l'intermédiaire de câbles électriques, ainsi que pour l'enclenchement des itinéraires.
La cabine électro-mécanique est née et sera généralisée dans les gares principales du réseau. Elle allait se révéler d'une fiabilité telle que celle d'Anvers fonctionna jusqu'en 1953.
La vitesse des trains s'accroît parallèlement à la densité du trafic et la signalisation doit s'y adapter ... Le signal avertisseur, la signalisation à deux positions - avec les palettes de la future signalisation à trois positions - apparaissent sur le réseau.
On rappellera pour la petite histoire l'existence à cette époque d'une palette "en oriflamme" consistant en deux feux verts autorisant le machiniste à adopter la vitesse la plus élevée autorisée sur la ligne.
Lorsqu'éclate la guerre de 1914, le réseau de l'Etat belge est considéré comme le mieux équipé d'Europe et sa modernisation se poursuivra dès le lendemain du conflit.
Les lignes partant de Bruxelles vers Anvers, Arlon, Ostende, Herbestal et Tournai sont équipées en 1921 et 1922 de la signalisation à trois positions, qui s'étend ensuite aux autres lignes, et à partir de 1923 s'amorce le remplacement des anciennes cabines des gares par des cabines électro-mécaniques conçues par les ACEC sur le même principe que celle d'Anvers, un vaste programme qui se poursuivra jusqu'en 1940, avec une amélioration à partir de 1937 lorsqu'on adopte une seule manette commandant l'ensemble aiguillages-signaux. C est ce système qui sera d'ailleurs développé pour la cabine II de Bruxelles-Midi, la plus importante du réseau, dont les travaux de construction débutèrent en 1940 pour se poursuivre, de concert avec ceux de la Jonction Nord-Midi, jusqu'en 1952.
Quant à la signalisation lumineuse, strictement basée sur les trois positions, elle sera installée de 1932 à 1933 entre Charleroi et Namur et, en 1935, elle équipera la première ligne électrifiée Bruxelles - Anvers. Ce système qui sera généralisé au cours des années ultérieures à toutes les lignes principales, sera suivi du block automatique permettant la suppression d'un grand nombre de postes intermédiaires de pleine voie, tout en autorisant l'augmentation de sections de block et, par-là, celle du débit des lignes.
Progressivement, les transmissions par fils et par tringles disparaissent au profit de transmissions par câbles électriques alimentant des moteurs d'aiguillage.
A ce stade-là, tout est réuni pour optimaliser un système vraiment nouveau et appelé à un développement rapide : le poste de signalisation dit "tout-relais" dans lequel toutes les fonctions de sécurité sont assurées par des circuits électriques et non plus par des enclenchements mécaniques.
Ce système a été rendu possible grâce aux progrès réalisés dans la fabrication des relais par les constructeurs de matériel de signalisation.
Des prototypes de postes "tout-relais" furent expérimentés à Soignies, Heist et Vilvorde en 1953 par des firmes privées et, après quelques années d'observation, la S.N.C.B. a mis au point son propre système. L'ère nouvelle des cabines "tout-relais" s'ouvrait ...
Les éléments constitutifs de ces cabines sont :
Environ deux cent cinquante postes de ce type, mais d'importance différente, sont actuellement en service. Ils ont été construits selon des dispositifs unifiés, tant sur le plan des schémas électriques que sur celui de la technologie.
Cet effort considérable de modernisation et de rationalisation poursuivi sans relâche depuis plus de trente ans a permis la suppression de plus de mille postes de signalisation.
La régulation du trafic a également largement évolué. On est loin du temps où le trafic était géré de gare à gare, comme aussi du premier âge du "dispatching", une technique importée des Etats-Unis et adoptée par tous les cheminots du monde, et dont les principes appliqués en Belgique à partir de 1918 se fondaient sur la téléphonie et le graphique de trafic, permettant de visualiser une situation présente et de prendre des dispositions immédiates pour éviter des incidents en cascade sur la ligne.
Ce système fut rendu plus performant au fil des années grâce au développement des liaisons téléphoniques, non plus seulement de poste à poste, mais aussi, sur les lignes principales, au départ d'appareils disposés le long des voies. Depuis 1984, des liaisons radio sol-train sont assurées sur l'axe Anvers - Bruxelles -Charleroi et vont parfaire les installations de régulation du trafic.
De telles liaisons sont en cours de réalisation sur l'axe Ostende - Bruxelles - Liège - Welkenraedt, et devraient s'étendre ensuite aux autres lignes principales. Quant à l'équipement des engins de traction, il devrait se poursuivre jusqu'en 1987.
Grâce à ce système, le conducteur peut signaler à l'instant même toute irrégularité sur son itinéraire et, de même le régulateur peut communiquer au conducteur tout renseignement concernant la sécurité.
Les ondes assurant les liaisons sol-train sont propagées linéairement grâce à des stations émettrices-réceptrices réparties le long des lignes à une distance moyenne de dix kilomètres, munies d'antennes très directionnelles et connectées à une ligne de transmission commune acheminant les communications entre stations fixes et dispatching.
Grâce à l'introduction du numéro du train dans le processus d'établissement des liaisons, l'appareil identifie le message le concernant spécialement. De même, le régulateur identifie instantanément le convoi émetteur d'un message.
Dans un but de simplification, on a prévu la transmission par la seule pression d'un bouton d'une série de messages codés répondant aux situations les plus fréquentes. Si l'échange d'informations se situe en dehors des messages codés, la simple pression d'un bouton établit une liaison phonique en duplex. On a, enfin, prévu la possibilité, au départ du dispatching, de lancer un appel général à tous les conducteurs en service sur une ligne déterminée.
Au cours des dernières années, une partie de l'activité des régulateurs du trafic s'est progressivement déplacée vers les grands postes de signalisation des gares importantes où les tableaux de contrôle optique constituent une source d'information précise et instantanée, et où le contact direct avec les signaleurs garantit la bonne exécution des ordres donnés.
D'autre part, la commande nodale a permis, à partir d'une même cabine, la commande de postes voisins de types tout-relais.
La zone d'action de ces postes reste toutefois souvent trop restreinte pour que les mesures prises en vue de la résorption de perturbations soient efficaces dans tous les cas.
On s'employa donc à étendre cette zone d'action. Mais, dès lors, la commande directe des installations n'était techniquement plus possible et il fallut mettre en œuvre des équipements de télécommande et de télésignalisation. Le nombre de trains simultanément présents dans la zone devenant plus élevé, la nécessité d'un repérage des convois s'imposa. Le tableau de contrôle optique fut complété par un indicateur d'annonce automatique des trains, ce qui a permis de les identifier et de les localiser en évitant les fastidieuses annonces téléphoniques de repérage.
Cette évolution vers la commande centralisée trouva son application en 1963 sur la ligne Liège - Welkenraedt et en 1970 sur la ligne Mons - Hal, tandis que la télécommande était ensuite appliquée dans les zones rayonnant autour de nœuds ferroviaires importants et sera largement développée.
Toute cette évolution s'est faite dans la perspective d'une jonction aisée avec l'électronique de gestion. En effet, on imaginait déjà lors de la conception de ces ensembles que l'ordinateur permettrait la réalisation d'équipements fiables d'aide au personnel d'exploitation dans le domaine de la collecte, de la présentation et de l'archivage des informations.
La nouvelle cabine de Bruxelles-Midi est l'aboutissement de cette somme de progrès. Elle gère non seulement le trafic dans l'important complexe de la gare elle-même mais aussi dans l'ensemble de la Jonction Nord-Midi, et l'ordinateur dont elle est équipée est relié directement au système d'annonce automatique des trains. Sa tâche essentielle est d'analyser les informations reçues depuis les postes de signalisation établis sur les lignes aboutissant à Bruxelles. Grâce à une mise en mémoire de l'horaire des trains, cet ordinateur peut donc comparer la situation réelle à un moment donné sur le réseau avec celle, théorique, établie par les services de l'Exploitation.
Le responsable du trafic peut donc, par l'intermédiaire d'un terminal-écran, prendre connaissance de l'ordre d'entrée en gare des convois proposé par cet ordinateur en fonction de retards ou incidents éventuels.
Ce système permet une diffusion plus rapide de l'information et une meilleure maîtrise du trafic, spécialement dans la Jonction Nord-Midi.
La modernisation aussi poussée des installations de signalisation concourt à une régularité aussi grande que possible d'un trafic qui, sur les lignes principales, atteint la densité la plus élevée d'Europe occidentale, régularité qui est une composante déterminante de la qualité du service rendu à la clientèle. Elle permet surtout de donner au chemin de fer un de ses meilleurs atouts : une sécurité inégalable.
La voie ferrée fit son apparition il y a plusieurs siècles dans les charbonnages et subit bien des métamorphoses avant de prendre l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui.
Dès l'origine, on adopta l'écartement des roues des véhicules en circulation sur les routes anglaises, soit 4 pieds 8 1/2 pouces ou 1,435 m.
La voie sur laquelle roula, en 1835, entre Bruxelles et Malines, le premier train du continent était faite de rails pesant 17,50 kilogrammes au mètre et mesurant 4,57 mètres. Ce rail était du type "subondulé" à cinq ondulations, d'où son surnom "à ventre de poisson". Constitué d'une âme et d'un bourrelet, il reposait sur des blocs de pierre distants de 0,924 m posés sur une couche de pierrailles et était fixé sur des coussinets en fonte.
Cet ensemble était instable et coûteux et l'on adopta bientôt la pose sur des traverses en bois. Très vite aussi, le rail évolua et en 1840 on adopta le double bourrelet symétrique, la longueur des barres étant portée à 6 m et le poids à 38 kg/m. Ce système devait permettre de retourner le rail lorsqu'il était usé, mais la corrosion par la rouille et l'empreinte laissée par les coussinets rendirent la nouvelle surface de roulement inutilisable, et l'idée apparemment géniale fut abandonnée.
C'est de cette période également que date l'éclissage consistant à relier deux barres par une pièce métallique.
L'année 1856 apporte une innovation capitale dans l'histoire de la voie : l'invention, en Amérique, du rail Vignole, un rail à patin posé selon une certaine inclinaison sur une selle métallique et fixé par des crampons. Cette conception de la voie classique est, dans son principe fondamental, encore adoptée aujourd'hui, les améliorations successives ayant porté sur le poids, le profil et la longueur.
Les progrès enregistrés dans la fabrication de l'acier ont permis d'améliorer la solidité et la longévité des rails, tout en abaissant leur prix de revient.
Dès 1910, on adopta le rail de 50 kg/m, norme qui sera généralisée après 1918 sur le réseau belge et, à partir de 1925, on porta la longueur des barres à 27 m.
L'évolution de la voie au cours de ce siècle s'est concentrée sur des aspects multiples, visant tout à la fois un meilleur confort, une longévité accrue et une sécurité optimale, tout en restant attachée à une conception classique.
C’est ainsi que le tracé de la voie a été amélioré par l'adoption de raccords paraboliques entre les rails droits et courbes, avec comme conséquence la possibilité d'accroître la vitesse sans nuire au confort, celui-ci ayant encore pu être amélioré grâce à la suppression des joints par la réalisation de longs rails soudés entre eux, qui ont maintenant réussi l'épreuve du temps.
En principe, ces rails peuvent être posés sans limite de longueur et les joints consistant en appareils de dilatation sont prévus uniquement là où l'interruption du rail est exigée par les circonstances : proximité d'aiguillages, joints isolants nécessaires à la signalisation, ponts-rail métalliques, passages à niveau, ... Ces rails soudés ont, en outre, l'avantage d'assurer une meilleure conservation de la voie et du matériel roulant.
L'objectif primordial de la sécurité a été poursuivi grâce à divers procédés techniques, tels le contrôle ultrasonique des rails, tant au laminoir qu'en pleine voie, le traitement thermique des abouts pour en accroître leur solidité, ou encore le meulage exécuté par un engin spécial qui supprime 1’"usure ondulatoire", source d'inconfort.
Ces diverses opérations permettent en outre une notable réduction des frais d'entretien de la voie et du matériel roulant.
Les lignes appelées à connaître un trafic à la fois dense et lourd ont été équipées de rails de 60 kg/m au lieu de 50, avec augmentation du nombre de traverses et de l'épaisseur du ballast, au profit d'une plus grande stabilité.
Notons qu'en 1878 on expérimenta les premières traverses métalliques sur lesquelles le rail était fixé par boulons et crapauds, mais ce n'est que cinquante ans plus tard que la S.N.C.B. les employa à grande échelle. On y a renoncé depuis, la préférence allant aux traverses en bois et, depuis quelques années, en béton dont deux types bien au point sont utilisés en Belgique : une traverse monobloc en béton précontraint et une autre à deux blocs sous rails reliés par une entretoise métallique.
Enfin, la mise en œuvre d'attaches élastiques pour fixer le rail à la traverse a conféré une plus grande souplesse, au profit du confort et des frais d'entretien.
Les aiguillages n'ont pas échappé à une modernisation profonde. A leur début, manœuvres sur place par des leviers, ils étaient articulés à aiguille rigide ou à rail mobile.
Leur commande, ainsi que nous l'évoquons dans le chapitre "signalisation" évolua vers la manœuvre à distance, par fils ou tringles, puis par câbles électriques. Quant aux aiguillages eux-mêmes, ils connurent des progrès successifs permettant leur franchissement à des vitesses toujours plus grandes dans les meilleures conditions de confort et surtout de sécurité, par l'augmentation de leur longueur avec diminution de l'angle de déviation, et l'invention d'aiguillages élastiques et d'appareils cintrés, tandis que l'augmentation du profil du rail contribuait à plus de stabilité et de fiabilité.
Mais c’est sans doute dans le domaine de l'entretien de la voie que les progrès les plus spectaculaires ont été réalisés.
Pour mesurer le chemin parcouru, rappelons qu'avant 1900 cet entretien était effectué "en recherche" au cours des tournées des gardes-route qui réparaient sur le champ les défectuosités constatées.
L'inventaire de leur outillage ne manque pas de pittoresque. Qu'on en juge : masse en fer, marteau à cramponner, chasse-coin, pince en fer, clef à fourche, clef anglaise, anspect (qui était un levier genre pied-de-biche), pioches en bois ferré et en fer, pelles à neige, pic, niveau en bois, fer d'écartement, assortiment de tarières, burin pour river les éclisses, burin pour la coupe des rails, balai, drapeaux rouge et blanc, cornet d'appel, brouette, marteau à main, calibre en bois pour entailler les traverses, ciseaux pour haie, scie à raccourcir, lime pour scie, pelle ronde en acier, marteaux à concasser les pierrailles, bêche et herminette ...
Tous les travaux étaient donc manuels, souvent très pénibles et seuls des hommes de forte constitution physique pouvaient les assurer, surtout que leurs prestations, réparties entre deux brigades, étaient longues : de midi à minuit et de minuit à midi, soit une amplitude de douze heures.
En 1880, l'entretien proprement dit des seules lignes des Chemins de Fer de l'Etat Belge requérait un personnel de près de 4.000 hommes. Quant aux travaux d'amélioration de la voie, ils exigeaient 1.630 autres agents, tandis que 808 gardes assuraient la surveillance des voies, des tranchées et des tunnels.
Le chemin parcouru depuis pour améliorer le rendement, réduire les conditions pénibles de travail et obtenir une meilleure qualité des opérations d'entretien et de renouvellement est considérable.
Ce n'est toutefois que depuis les années soixante, au moment où le processus de mécanisation a été engagé, que les progrès ont été les plus déterminants. Cette mécanisation avait des objectifs très variés, et notamment :
Pour mener à bien la réalisation de tels objectifs, la S.N.C.B. dispose d'un arsenal de petites machines (tirefonneuses, scies à rails, perceuses de traverses, régulateurs de contraintes dans les longs rails) auxquelles s'ajoutent des engins automoteurs sur rails, dont deux trains assurant mécaniquement le renouvellement des rails et des traverses de la voie sur laquelle ils roulent, selon un processus fort ingénieux et qui s'amorce par le dépôt sur place de longs rails de 216 mètres consistant en huit barres de 27 mètres préalablement soudées. Par trois ou quatre ces rails sont soudés entre eux pour atteindre des longueurs de 645 ou 860 mètres (après une "chute" d'un mètre avant cette opération).
Le train de renouvellement est poussé sur la voie après que les attaches des rails aient été enlevées. Rails anciens et rails nouveaux - ceux-ci ayant été déposés les jours précédents sur les têtes des traverses - sont alors soulevés, écartés, entrecroisés et maintenus dans cette position pendant que la machine enlève les traverses existantes et pose les nouvelles. Les rails anciens sont déposés à l'extérieur de la voie tandis que les nouveaux viennent prendre place exactement à l'endroit prévu sur les nouvelles traverses. Celles-ci auront été amenées depuis les wagons de stockage jusqu'à un wagon-relais par un portique automoteur et reprises par un transporteur supérieur qui les déposera sur place au niveau du ballast, la fixation des rails se faisant aussitôt après le passage de la machine par une équipe de poseurs de voie.
Quant aux anciennes traverses, elles sont enlevées, déposées sur un transporteur qui les amène au wagon-relais où elles sont reprises par le portique jusqu'aux wagons de stockage.
Ce train de renouvellement, dont la longueur totale atteint 112 mètres, dispose d'une puissance installée de 184 kW (250 CV) et sa vitesse de travail est de 600 mètres à l'heure, ce qui lui permet de poser 1.000 traverses, en bois ou en béton, à l'heure.
Cette mécanisation a permis d'éliminer les travaux manuels les plus pénibles et a donné aux chantiers de voie leur physionomie résolument moderne avec cette succession spectaculaire de divers engins :
Voilà une énumération suggestive qui permet de mesurer l'ampleur du chemin parcouru dans l'entretien de la voie ...
A l'origine, les chemins de fer ne pénétraient pas, ou très rarement, jusqu'au cœur des grandes villes, exception faite pour Liège-Palais, encore que cette gare ne desservait pas une ligne principale. Dans les petites villes, la ligne était tracée aux confins de la cité et la gare était située côté ville, à sa périphérie. Si son implantation n'a que rarement été modifiée depuis, l'évolution urbaine a fait qu’elle se retrouve au centre de la cité, celle-ci s'étant développée autour et souvent grâce au chemin de fer.
Durant les premiers temps, la construction des gares n'était inspirée par aucune règle générale et il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour que les bâtiments des voyageurs répondent à un schéma généralisé. Dès lors, elles se présentèrent comme suit : une salle des guichets, des salles d'attente de diverses classes au centre desquelles régnait un poêle en fonte que durant la saison froide le garde-salle était chargé d'entretenir, un bureau des P.T.T., des toilettes installées dans un petit pavillon à l'écart (hygiène oblige ...) quelques locaux de services dont la lampisterie, un kiosque à journaux qu'on s'entêtait à appeler "aubette", et dans les centres importants un ou même plusieurs buffets répartis en différentes classes.
Dans ce décor restitué par le peintre Delvaux, on rangeait des charrettes à bras pour les colis et de lourds bancs lattés ...
Le bâtiment comportait en outre un logement pour le chef de gare, et entre le quai et la traditionnelle place de la gare on réservait un espace pour un jardinet que le maître des lieux cultivait amoureusement.
Le voyageur qui venait "prendre le train" était soumis à un rituel immuable : ouvrir la porte, la fermer, faire la file au guichet, commander son billet au travers d'une minuscule ouverture, s'asseoir dans l'attente que le garde salle vienne ouvrir la porte d'accès au quai numéro un en annonçant le train d'une forte voix et poinçonne le billet. Arrivé sur le quai, il saluait respectueusement le chef de gare, personnage important qui connaissait bien tous ses clients et les accueillait aimablement, mais sans cette familiarité excessive qui risquerait d'amoindrir sa dignité ...
En attendant le train, le voyageur était protégé de la pluie par une marquise dont les verres étaient noircis jusqu'à l'opacité par les fumées des locomotives. Dans les grandes gares, des halles métalliques de proportions parfois audacieuses recouvraient l'ensemble des voies et des quais.
Certains bâtiments de gare furent construits avec une telle recherche architecturale qu'ils sont aujourd'hui - ou le seront - l'objet d'une protection par arrêté de classement. C'est notamment le cas des gares d'Anvers-Central en ce qui concerne le bâtiment et la grande halle au-dessus des voies, la toute dernière existant encore en Belgique, construits en 1905 par l'architecte De La Censerie ; et de celles de Alost, Harelbeke, Binche (de style néo-gothique), Péruwelz, Ostende, Turnhout, Audenarde ...
Certaines gares bien que n'étant pas classées ni en voie de l'être, constituent néanmoins des témoins intéressants de l'architecture de leur époque ou de leur région. C'est le cas, entre autres, de Tournai, Soignies, Schaerbeek, Gand-Saint-Pierre, Leuze ...
La conception des gares a évolué dans le sens d'une adaptation aux nécessités de notre époque comme aussi aux idées. Les besoins en locaux techniques se sont accrus en raison du développement des télécommunications, de l'alimentation électrique, de la signalisation.
La volonté de rechercher une meilleure intégration dans la vie de la cité s'affirme de plus en plus, tandis que naît le souci d'une coordination avec les transports Complémentaires. On aménage donc gares d'autobus, aires de parcage pour voitures particulières, abris pour "deux roues" ...
La gare se veut accueillante, d'accès moins réglementé.
Une gare desservant une ville moyenne se conçoit aujourd'hui selon un schéma type : un bâtiment avec salle des guichets et d'attente où l'on trouve quelques boutiques, des distributeurs automatiques, des téléphones ; des locaux de service ; des sanitaires ...
L'accès est libre vers le quai n° 1 ainsi que vers un passage souterrain desservant les autres quais et débouchant derrière la gare dans un parking établi à l'ancien emplacement des trop nombreuses voies accessoires du siècle dernier. Des emplacements pour vélos et motos sont prévus et une gare d'autobus est aménagée soit à côté du bâtiment, soit côté ville selon la disposition des lieux.
Déjà Zottegem, Denderleeuw, Enghien, Tournai répondent à cette conception.
Une architecture moins somptueuse qu'autrefois mais davantage orientée vers le fonctionnel inspire les auteurs de projets.
Le style architectural des nouvelles gares est marqué par le souci d'intégration harmonieuse dans l'environnement, par le dialogue avec les autorités locales et par la recherche d'une dignité sans excès.
L'harmonisation de ces éléments débouche évidemment sur des réalisations très différentes :
Mais on ne recourt pas systématiquement à des constructions nouvelles : lorsque la valeur architecturale ou la qualité du gros-œuvre la justifient et qu'elles la permettent, la rénovation est jugée préférable ...
Parallèlement aux innovations techniques spécifiques à leur domaine propre, les chemins de fer belges se sont constamment efforcés d'améliorer leurs moyens de gestion. A cet égard, le développement des ordinateurs, supplantant les équipements mécanographiques classiques antérieurs a permis une évolution décisive.
C'est de 1926 que date la première utilisation de machines à cartes perforées. Elles servaient essentiellement au calcul des primes des machinistes en fonction de l'utilisation du combustible et des matières de graissage dans les locomotives à vapeur. A ce moment, il n'était pas question d'informatique, ni même d'ordinateur. Les machines mécanographiques d'alors avaient pour nom : trieuse, reproductrice, interpréteuse ... Leurs possibilités étaient limitées, mais permettaient néanmoins le traitement de questions exigeant une exactitude absolue.
Il faudra attendre 1959 pour que la S.N.C.B. entre vraiment dans l'ère informatique avec l'acquisition d'un ordinateur de la première génération, auquel des problèmes de routine à caractère répétitif sont confiés : établissement des feuilles de paie, calcul des pensions, élaboration des statistiques.
Trois ans plus tard, cet ordinateur est remplacé par deux autres de la deuxième génération, ce qui permet des mécanisations complémentaires, notamment en ce qui concerne la comptabilité des matières.
Dès lors, l'ordinateur va supplanter progressivement les machines mécanographiques classiques.
A partir de 1969, la S.N.C.B. acquiert plusieurs ordinateurs de la troisième génération, qui entraîneront des changements fondamentaux au niveau des langages de programmation et dans la préparation et l'ordonnancement des travaux, tandis que les applications s'orientent plus nettement vers la recherche d'une meilleure qualité de gestion.
Actuellement, le matériel du centre informatique est articulé sur deux gros systèmes possédant chacun une capacité de mémoire de 24 millions d'octets (2).
A ces deux machines sont connectées des unités périphériques à hautes performances parmi lesquelles des disques d'une capacité totale de bientôt 30 milliards d'octets et quinze dérouleurs de bandes. Une imprimante autonome à rayon laser permet d'atteindre une production de 150 pages/minute. De plus, deux unités de contrôle de transmission permettent de raccorder aux ordinateurs centraux un vaste réseau de télétransmissions s'étendant à tout le pays et comportant essentiellement, d'une part 25 mini-ordinateurs installés dans les gares de triage et utilisés pour les besoins de la gestion centralisée du trafic des marchandises, d'autre part 72 mini-ordinateurs destinés à la mécanisation du traitement des envois de détail ainsi qu'à la saisie décentralisée des données relatives à diverses applications. Ce réseau sera étendu aux gares à voyageurs importantes en vue de la réservation électronique des places et de l'émission des billets en trafic international des voyageurs.
Le centre informatique de la S.N.C.B. gère environ 130 applications correspondant à quelque 3.700 programmes. Le volume des données d'entrée peut être estimé à 120 millions de caractères/mois dont 85 % correspondant à de la saisie décentralisée alors que le volume des résultats équivaut à quelque 1,5 million de pages/mois, non comprises les sorties sous forme de microfiches ou de bandes magnétiques.
Un nombre important d'applications gérées par le centre se situent dans des domaines communs à toute grande entreprise. Citons, à titre d'exemple :
Par contre, d'autres applications sont spécifiques à une société ferroviaire et touchent pour une large part au transport des voyageurs et des marchandises.
En trafic des voyageurs, par exemple, la délivrance des billets est entrée dans l'ère informatique grâce à une machine développée par une firme belge et basée sur un système à microprocesseur muni notamment d'un clavier avec écran, de deux imprimantes (une pour les billets, l'autre pour la bande de caisse), d'une unité d'affichage du prix de transport à l'intention du voyageur et d'une disquette permettant de stocker les transactions. Cette machine délivre tous les types de billets du service intérieur même les plus compliqués, tels ceux comportant un parcours mixte train - autre mode de transport et le ticket d'entrée pour la visite d'une curiosité touristique.
Ces machines simplifient la desserte des guichets et les opérations comptables qui y sont associées. De plus, le traitement des informations recueillies sur disquette fournit des statistiques correctes et détaillées sur le trafic des voyageurs en service intérieur, tant pour les billets que pour les abonnements. Signalons encore que la S.N.C.B. étudie la possibilité d'installer des automates permettant aux clients de valider leurs abonnements ou de se munir d'un titre de transport.
Depuis 1971, la S.N.C.B. est reliée à un système de réservation électronique des places en trafic international, de même que les réseaux allemand, autrichien, néerlandais et luxembourgeois. L'ordinateur qui se trouve à Francfort est à son tour connecté aux systèmes de réservation suisse, italien, français et danois, ce qui permet de délivrer immédiatement une grande part de l'ensemble des réservations pour tous les trains dont l'origine se trouve dans un des pays cités. Depuis, le système a été renouvelé. De nouveaux terminaux permettent les mêmes fonctions de réservation et, en Belgique, éditeront également les titres de transport pour les relations internationales les plus courantes. A cette fin, un réseau de télétransmissions reliant les gares de voyageurs importantes et certaines agences de voyages au centre informatique est en voie de réalisation.
De plus, le projet englobe le décompte avec les réseaux étrangers des billets vendus, l'aide logistique aux bureaux d'information des gares et la fourniture d'éléments de gestion très poussés.
En trafic des marchandises, une application très ambitieuse concerne la gestion opérationnelle centralisée de ce trafic avec comme objectif à long terme de réduire les coûts d'exploitation, notamment par la réduction de la période de rotation des wagons.
Ce projet vaste et complexe comporte un grand nombre de modules concernant notamment :
L'exploitation de ces modules nécessite la connaissance à tout moment de nombreuses informations relatives aux wagons présents sur le réseau. Ces informations, introduites en ordinateur par les gares au moyen d'un réseau de télécommunications très développé, permettent de mettre à jour, en temps réel, les fichiers centraux du trafic des marchandises et de fournir au personnel des gares, notamment :
Dans le même domaine des marchandises, un autre volet englobe les applications basées sur l'exploration des données enregistrées à la lettre de voiture, éléments permettant la taxation, la facturation, le contrôle des encaissements et, en trafic international, le décompte avec les réseaux étrangers pour toutes les expéditions.
L'échange d'informations sur support magnétique avec des clients informatisés est également réalisé.
D'autre part, en trafic international, la S.N.C.B. entreprend des essais avec le système SADBEL (système automatisé de dédouanement belge) mis à disposition par l'administration des douanes dans ce but de réduire la durée des formalités de dédouanement des expéditions.
Il existe encore de nombreuses autres applications en exploitation ou en développement ayant trait à la gestion financière et opérationnelle de la S.N.C.B.
Signalons, enfin, que le service informatique entreprend, pour le moment, des essais dans le domaine de la bureautique, du vidéotex et des applications graphiques.
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En dépit de la complexité de la technique informatique, en perpétuelle évolution, celle-ci est en passe de se répandre à tous les niveaux de la S.N.C.B., de sorte que l'ordinateur intervient de plus en plus dans la gestion.
Les résultats particulièrement encourageants enregistrés à ce jour ne peuvent qu'inciter à développer les activités en cours, et d'autant plus que l'informatique trouve un champ d'application privilégié dans le système ferroviaire.
En effet, gérant sa propre infrastructure, ayant à sa charge la totalité de la régulation de son trafic, assurant l'entretien de son matériel et de ses installations, le chemin de fer est un mode de transport se prêtant particulièrement bien à l'informatisation.
Un appel de plus en plus généralisé aux ordinateurs, eux-mêmes appelés à accroître leurs performances, ouvre dès lors des perspectives telles que les applications actuelles, pour importantes qu'elles paraissent, sembleront bien modestes par rapport à celles qui seront réalisées dans l'avenir.
La S.N.C.B. est une grande entreprise dont les activités requièrent une adaptation de son personnel à des techniques très spécialisées et en constante évolution, et qui doit répondre à un objectif majeur : la sécurité du trafic ferroviaire. La formation professionnelle y fait donc l'objet d'une importante préoccupation.
Elle se situe, tout d'abord, dans les secteurs qui lui sont spécifiques, au niveau de l'initiation des nouveaux agents pour se prolonger tout au long de leur carrière par une formation permanente, selon des méthodes éprouvées.
La qualité de cette formation professionnelle est telle que des administrations ferroviaires de pays en développement confient à la S.N.C.B. le soin de parfaire les connaissances de leur personnel, soit lors de stages organisés en Belgique, soit au cours de missions sur place de techniciens belges.
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Le service de la voie, notamment, outre les objectifs internes visant son propre personnel, et dans le cadre d'une association avec "Transurb Consult", intervient largement dans la formation de techniciens africains. La diversité et la spécialisation de ses services, la qualité de son personnel d'encadrement et les techniques de pointe mises en œuvre dans ses ateliers constituent, en effet, un terrain d'études privilégié pour les stagiaires étrangers.
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La signalisation étant un des éléments-clés de la sécurité, elle exige un personnel très qualifié et spécialement initié à la desserte de postes d'un haut degré de technicité.
La formation de ce personnel est dispensée dans une école itinérante dont les classes sont réparties dans les wagons spécialement aménagés d'un "train-école de signalisation", acheminé périodiquement dans des gares importantes du réseau.
Le matériel didactique comprend les différents types de postes de signalisation en service et un réseau miniaturisé dont les appareils de voie et les signaux sont connectés aux bâtis de commande, de telle sorte que la manœuvre de ces appareils réponde à la réalité.
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Quant à la formation des conducteurs, elle débute par la sensibilisation de l'élève aux notions de sécurité, au moyen de diapositives et de films, suivie d'un écolage d'une durée de soixante-quatre semaines et réparti en deux cycles.
Au cours de premier cycle, les cours portent sur la signalisation, les règles de circulation et le freinage des trains, cours alternant avec des périodes de pratique durant lesquelles l'élève, encadré par un moniteur, se familiarise avec toutes les opérations qu'un conducteur doit pouvoir accomplir.
Le second cycle est consacré à l'initiation à la traction électrique ou diesel. Des visites dans les ateliers centraux où s'effectuent les grandes révisions des locomotives permettent à l'élève de mieux connaître leurs composants.
Vient ensuite l'écolage spécial, d'une durée de quatorze semaines, et comportant l'étude approfondie d'une série d'engins de traction et l'apprentissage de leur conduite et de leur dépannage, avec l'appui de diapositives.
Avant de pouvoir assurer seul la remorque des trains, l'élève-conducteur aura dû subir diverses épreuves sur les matières composant les différents cycles de la formation.
Il aura alors accès à l'épreuve de conduite en ligne dont la réussite fera de lui un conducteur à part entière.
Tout au long de sa carrière, le conducteur devra s'adapter aux nouvelles techniques et s'initier à la conduite et au dépannage du nouveau matériel comme à l'évolution des règles de sécurité, de circulation, de freinage et de la signalisation, au cours de journées de formation permanente.
Depuis 1835, les chemins de fer belges ont donc connu une évolution technique spectaculaire. A l'empirisme du début a succédé une suite de progrès qui leur assure rapidité, régularité, fiabilité et sécurité. Cette adaptation n'est pas terminée, dans la mesure où la technique elle-même ne cesse d'ouvrir de nouveaux horizons. Système de transport guidé et programmé, les chemins de fer se prêtent par excellence aux progrès de la cybernétique et du traitement de l'information.
Mais suffit-il à une entreprise d'être à la pointe du progrès pour que soit garanti son avenir ? Certes non.
Le 150ème anniversaire des chemins de fer belges se situe dans un contexte économique et social générateur de morosité. Il est certain que la crise qui atteint, entre autres, des secteurs industriels comme la sidérurgie, grande consommatrice de transports, frappe de plein fouet l'entreprise ferroviaire dans une de ses activités vitales : le transport des marchandises. Chômage et baisse du pouvoir d'achat ont, d'autre part, des incidences négatives sur le trafic des voyageurs, tant intérieur qu'international.
La situation financière difficile qui en résulte est encore aggravée par la concurrence impitoyable que se livrent entre eux les différents modes de transport, dont ni la couverture des coûts d'infrastructure, ni les sujétions d'exploitation (en matière de service public par exemple) ne sont comparables entre elles. A ce propos, les chemins de fer sont d'avis qu'un meilleur équilibre des conditions de concurrence pourrait avoir pour conséquence d'améliorer sensiblement leur situation financière et leur permettre de mieux valoriser leurs incontestables atouts.
Les chemins de fer, en effet, jouent toujours un rôle considérable dans le transport des voyageurs, aussi bien en services intervilles à moyenne distance qu'en services ferroviaires "de banlieue" pour la desserte des grandes agglomérations. Ils contribuent largement, surtout s'ils sont intégrés aux autres modes de transport urbains, à la décongestion des routes. Pour les voyages à grande distance, les services de nuit permettant de parcourir jusqu'à 1.500 km dans d'excellentes conditions de confort constituent une alternative commode au voyage par avion. Transports saisonniers pour les vacanciers, déplacements de groupes importants, trains de voitures accompagnées constituent d'autres attraits.
En ce qui concerne le transport des marchandises, la contribution du rail reste essentielle, notamment dans les acheminements par trains complets, tandis que la spécialisation des wagons et le transport combiné rail-route offrent un éventail extrêmement large à la clientèle la plus diverse.
Mais, au-delà de ces atouts, les chemins de fer sont riches de potentialités dont l'importance ira croissant. Il est indéniable que, dans les décennies à venir, les problèmes énergétiques seront au centre de beaucoup de préoccupations. La raréfaction progressive des produits pétroliers va imposer des économies drastiques. Or, grâce à leur technique propre (roulement acier sur acier et circulation en convois) les chemins de fer sont particulièrement économes d'énergie. De plus, ils consomment pour une large part de l'électricité, produite à partir d'énergies primaires diversifiées. Ils sont de tous les transports terrestres les moins exigeants d'espace et celui dont le taux de nuisance est le plus faible.
Il faut enfin insister sur la sécurité incomparable offerte par le train. Au cours des vingt dernières années, le rail belge a enregistré une soixantaine de morts et moins de deux cents blessés, la plupart légers, pour lesquels sa responsabilité est engagée.
Dans le même temps, on a déploré 51.240 morts sur les routes, plus de 380.000 blessés graves et un total de 1.858.000 victimes.
Economie d'énergie, respect de la qualité de la vie, sécurité, points forts parmi d'autres qui permettent aux chemins de fer d'envisager l'avenir avec un optimisme résolu ...
(1) A l'origine, un train-bloc consistait en une rame homogène dont les éléments étaient seulement compatibles entre eux. Le mot a été déformé par la suite et a désigné un train rapide sans arrêts intermédiaires entre les gares de départ et de destination.
(2) Un octet permet de stocker un caractère, lettre ou chiffre ou signe quelconque ou, lorsqu'il est fait exclusivement usage de données numériques, deux chiffres.